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jeudi 25 octobre 2007

Le plus grand évènement *sportif* de Louvain-la-Neuve !

Ce matin, et comme n'importe quel lendemain de 24 heures, Louvain-la-Neuve avait l'aspect d'un gigantesque cloaque urbain, l'odeur des produits désinfectants venant s'ajouter à d'autres odeurs aussi peu affriolantes pour former un cocktail assez détonnant. Seul point positif : les autocollants belgicains qui avaient fleuri ces dernières semaines ont perdu leurs couleurs pimpantes, leur donnant ainsi un petit aspect désuet qui leur convient très bien !

Ce qui est un peu plus inhabituel et qui justifie donc ce petit billet au doux parfum de provoc' gratuite, c'est la liste des sponsors de l'édition 2007-2008. Je ne résiste pas au plaisir d'en épingler deux :


1) Chaudfontaine*. Pour un évènement qui constitue le deuxième plus gros débit de bière d'Europe derrière l'Oktoberfest de Munich, avouez que c'est assez ironique non ?
Bien sûr, des mini-bouteilles d'eau d'environ 15 cl étaient distribuées gratuitement pour se rincer le foie entre deux chopes. Passerais-je pour une mauvaise langue si je glisse que bien sûr, avec les dizaines de milliers de gobelets en plastique (tout ce qu'il y a de moins biodégradable) consommés durant la nuit, on en est plus à ça près ?

Par contre, et plus sérieusement pour une fois, je suis assez partagé quant à l'initiative prise cette année de réserver la place Rabelais à une fête alternative où n'était servies que des boissons non alcoolisées. D'un côté, on peut saluer la volonté de proposer un alternative à la beuverie généralisée du reste de la ville, avec éventuellement pour objectif lointain de réduire la part de l'alcool dans cette fête étudiante. De l'autre, outre son impact évidemment mineur sur le taux d'alcoolémie général, je me demande si cette initiative ne permet pas surtout de légitimer l'évènement, en mettant en exergue ses aspects sympathiques mais néanmoins marginaux. Un peu comme le Village des enfants, organisé l'après-midi du 24, qui en soit est une très chouette chose pour les enfants de la région, mais qui ne s'inscrit pas moins dans un évènement qui reste principalement tourné vers la boisson. Je doute que l'évènement connaisse une telle mobilisation/popularité sans la bière... celle qu'on vent, pour les organisateurs (cercles, kots-à-projets, ...), et celle qu'on boit, pour les participants.


2) La Défense. Partenaire de choix, apparemment, au vu des affiches qui tapissaient la ville. Chaudfontaine, à la rigueur c'est saugrenu mais pas complètement hors sujet. Mais pourquoi la Défense ?

Oh, j'ai bien une idée évidemment... Il se pourrait bien que l'armée belge se soit rangé derrière l'avis de Pierre Desproges, selon lequel "Il ne faut pas désespérer des imbéciles. Avec un peu d'entraînement on pourra toujours en faire des militaires"...


Voilà voilà... Je viens de me faire plein d'amis là :)


* : (Merci à 'thias de m'avoir fait remarquer ce premier paradoxe !)

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mercredi 17 octobre 2007

journée du livre politique : venez voir ce que c'est qu'un flop populaire !

Le vendredi 5 octobre dernier , avait lieu au Parlement de la Communauté Française à Bruxelles la première édition du prix du livre politique, un prix doté de quelques 5.000 € (d'argent public) récompensant le meilleur ouvrage de type politique (avec un certain lien de rattachement avec la Belgique) édité de mai 2006 à avril 2007.



Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'y avait pas grand monde dans les travées du magnifique parlement ainsi que dans ses salles de commission (où avaient lieu les rencontres littéraires)...si ce n'est par exemple le célèbre sénateur-flingueur Destexhe 007 qui s'était montré, une fois n'est pas coutume, particulièrement discret. On pourrait dire de lui "je suis venu, on m'a vu, j'ai vaincu"...et ce serait presque pas de mauvaise fois puisque on l'a vu encourager son pote et co-auteur de "démocratie et particratie" Alain Eraly (c'est vrai que c'est pas facile d'être un sociologue de droite; idem pour les fiscalistes de gauche d'ailleurs), répondre à une petite interview (quand même !) et puis s'en aller. C'est ce qu'on appelle rentabiliser son temps, bien joué l'artiste.

Cela dit, il faut tout de même signaler que le James Bond du MR était l'un des seuls hommes ou femmes politiques plus ou moins d'envergure qui était présent, hormis peut-être le très bonhomme président du Parlement de la Communauté Française Jean-François Istasse (PS) que l'on conseillerait franchement de se proposer à la succession de l'actuel Roi, tellement il a cet air sympathique et consensuel qui nous fait irrésistablement pensé à Bebert 2, voire même à l'éventuel futur Roi des Belges (appellation provisoire) qui devra être plus encore qu'aujourd'hui le roi du protocolaire et du "drink" de luxe.

Voilà donc pour la faible popularité de la manifestation (la faute à une publicité largement boiteuse)... qui n'était pas sans contraster avec l'intérêt et la qualité de cette première édition du prix du livre politique en Communauté Française.

En effet, c'est une journée bien remplie que nous proposait l'asbl Texto, grande organisatrice de l'événement.

A 10 heures, était prévu un débat entre hommes et femmes politiques autour de la démocratie participative en tant que "remède à la crise politique". Faute de temps, vos envoyés spéciaux n'ont pu s'y rendre mais des bruits de bouloir signalaient de belles petites prises de becs et autres railleries entre intervenants.

A 11h30, heure de notre joyeuse entrée dans les installations du Parlement de la CF, nous avons pu assister à l'une des trois rencontres littéraires proposées, en l'occurence celle d'Henri Deleersnijder autour de son ouvrage "populisme, vielles pratiques, nouveaux visages" (éd.Luc Pire).

Bien nous en a pris, puisque le sympathique prof d'histoire liégeois nous a, d'une manière très personnelle, parlé des figures de proue du populisme d'antan (Boulanger, Poujade, Degrelle,...) pour évoquer ensuite ces fameux nouveaux visages du populisme que sont les incontournables Jean-Marie Dedecker, Filip Dewinter, Jean-Marie Le Pen et consorts mais aussi Silvio Berlusconi et Nicolas Sarkozy qui correspondent en effet assez bien à plusieurs caractéristiques du populiste (magnification du peuple, discours démagogique, leader charismatique).

C'était vraiment de l'Histoire au service de la compréhension du présent, et servie à la petite louche par un vrai passionné...

A noter aussi l'intevention très remarquée d'une des rares spectatrices qui tenait à signaler, dans le cadre de l'aspect charismatique de Leon Degrelle, que celui-ci "était plutôt beau garçon". A la faveur de l'édition de samedi du journal Vers l'Avenir qui consacrait une page entière à l'ouvrage de Deleersnijder et qui reproduisait là une image de Degrelle, nous avons pu vérifier l'information, bien que nous ayons trouvé son look très germanique, cela devait surement être la mode de l'époque.
Epinglons aussi dans les collones de Vers l'Avenir la comparaison faite entre Delesnijder et "BHV" (sic) (ndlr : ils voulaient bien sûr parler de ce bon vieux Bernard-Henri Levy) dont a l'air assez étonnement de se féliciter Henri Delesnijder ("nous sommes de la même génération..."). Pas vraiment à son honneur...si cela se vérifie.

Mais cette rencontre littéraire autour du populisme avait aussi quelque chose d'interpellant pour les hommes et les femmes qui s'intéressent de près à la pratique de la politique, dont Julie de Groote (CDH), Député bruxelloise, qui se demandait avec beaucoup de pertinence s'il était encore possible de présenter honnetement au citoyen-électeur la complexité du réel (c'est-à-dire sans tomber dans la démagogie) tout en pouvant compter sur le soutien de ces électeurs au moment du vote. Il s'agissait là d'une excellente question à laquelle Henri Deleersnijder n'a pu répondre et à laquelle nous répondons que ce questionnement aurait déjà moins d'importance dans un monde politique qui arrêterait de considérer un mandat politique comme un métier à part entière qu'il s'agit de renouveller (quitte à se montrer démagogique voire malhonnête) tout les quatre ans.

Après cette bonne heure passée en salle de commission où avait lieu la rencontre littéraire, c'était enfin le grand moment pour Henri Deleersnijder qui se voyait remettre par le Président Istasse le fameux prix du livre politique, au nez et à la barbe de ses deux dauphins : Guy "(simili-)Dieu" Spitaels ("Chine-USA, la guerre aura-t-elle lieu ?", éd. Luc Pire) et Jules Gheude ("l'incurable mal belge sous le scalpel de François Perrin", éd. Mols). Félicitons l'organisation et les trois finalistes pour ce vrai faux suspens qu'ils ont réussi à préserver lors de l'annonce du lauréat. Ce fut en effet très authentique (discours introductif, embrassades, serrages de main du vainqueur à destination de ses dauphins mortellement déçus,...) alors que la presse avait déjà annoncé dans ses éditions du jour que Deleersnijder avait remporté le prix.

Pour suivre, un sympathique buffet nous était gentillement offert par le contribuable que nous nous remercions d'ailleurs chaleureusement pour ce geste pas du tout gratuit.

L'après-midi, elle, nous réservait un intéressant débat autour du thème "l'homme politique, image du politique !", animé par Francis Van de Woestijne (La Libre Belgique) et avec la participation des responsables de la communication des quatre grands partis francophones, ainsi que du journaliste liégeois Louis Maraite (La Meuse), auteur du livre pseudo-politique "Daerdenmania".

Indiquons d'emblée que cette conférence aurait presque pu s'intituler "Michel Daerden, image d'une certaine politique !", tellement la conférence aura tourné autour de la propention du roi d'Ans à s'attirer une certaine popularité aux moyens de ses frasques et autres prestations éthyliques relayées par les medias. Il est vrai que Michel Daerden est un excellent exemple du politicien pour qui l'image véhiculée dans les medias a pris le pas sur l'éventuel projet politique au nom duquel il se présente aux élections (cf. le post de François Schreuer), mais il aurait fallu selon moi plus généralement se demander si l'existence de tous ces conseillers en communications autour de nos partis politiques n'était pas symptomatique d'une crise de nos démocraties dans lesquelles une bonne partie des citoyens font leur choix en fonction de critères irrationnels (image, réputation...) ou clientelistes.
En somme, communiquer les idées ou les projets, c'est bien (c'est rendre compte des activités de leurs mandataires aux citoyens); mais quand çà devient l'occasion de véhiculer des idées trop simplistes ou de mettre la priorité sur les gadgets (voyez les capottes et les T-shirt Che Reynders du MR, les graines de tournesol d'Ecolo,...), c'est mettre à mal la représentation démocratique en tant que réceptacle des aspirations et intérêts des citoyens.
C'est pourtant, quoiqu'il en disent, une bonne partie du boulot de ces chargés de com'. Il suffisait par exemple d'ailleurs de voir comment le chargé en com' du MR, Laurent Burton, était "déçu" de voir Didier Reynders s'afficher dans La Libre Match au volant d'une Porsche blinquante alors que selon lui, cela ne fait que véhiculer l'image du riche libéral qu'il souhaiterait visiblement mettre à mal. Il reconnaissait d'ailleurs avoir donné un avis défavorable à cette apparition dans La Libre Match mais Reynders aurait insisté. Peut-être n'ont-ils pas la même vision de l'image à véhiculer, mais en toute hypothèse, s'afficher ainsi dans les magazines people (ou presque...) comme l'ont fait aussi (le même jour) Jean-Michel Javaux (Ecolo) ou Elio Di Rupo (PS) a quelque chose d'inquiétant pour nos démocraties.
Bref, il aurait été plus intéressant que le débat porte là dessus (en tant que symptome d'une crise de la démocratie représentative) plutôt que sur l'avis de ces gens sur les pitreries du camarade Daerden.

Pour en revenir à la daerdenmania qui aura donc, vous l'aurez compris, occupé une bonne partie du débat, nous avons pu écouter les explications de Louis Maraite sur son intérêt pour Michel Daerden.
Dans une honneteté assez saisissante, Maraite a expliqué que les éditions Luc Pire l'avait contacté pour qu'il écrive un bouquin en vue de je ne sais quelle foire du livre et que notre grand journaliste liégeois avait directement proposé de se pencher sur LE phénomène du moment, sentant à pleins nez le succès de librairie dirons-nous.

Merci pour l'honneteté du propos mais il ne s'agit sûrement pas de féliciter le gaillard pour le sens de sa démarche, tellement celle-ci nous a paru opportuniste et dénuée de la dose d'objectivité nécessaire par rapport au destin politique de Daerden. On aurait dit que s'il y avait un objectif autre que mercantile à la réalisation d'un tel ouvrage (on peut en douter), celui-ci était de comprendre comment l'on peut devenir aussi populaire (genre "la popularité pour les nuls"), plus que de décoder avec un esprit critique ce qui a permis à l'intéresser d'accéder à une telle popularité. De plus, Louis Maraite a tenté de s'expliquer sur les T-shirts Ché Daerden vendus par son journal La Meuse et qui, bien entendu, ont été achetés à plus ou moins 500 exemplaires pour Michel Daerden lui-même pour les besoins de sa campagne électorale.
Histoire de ne pas trop passé pour le chargé de communication officieux de Michel Daerden, le journaliste liégeois a voulu nous faire croire qu'il n'avait rien à voir là dedans puisqu'il s'agissait d'une opération mise sur pied par le service commercial de son journal dont il n'avait eu connaissance que très tard. Mouai...sauf que La Meuse n'est ni Le Soir ni le Wall Street Journal et qu'on a du mal à croire que le service marketing fasse des choses dans le dos de la rédaction, surtout quand on sait que ce même Louis Maraite s'apprêtait à sortir un ouvrage sur la personne de Michel Daerden. En somme, il eut été plus simple qu'il nous dise que La Meuse avait joué à fond la carte de la Daerdenmania pour se replacer en ordre utile dans un secteur de la presse de proximité où la concurrence semble rude.

En tout cas, il faut ici s'inquiéter une nouvelle fois de l'image de la Wallonie en Flandre (et à Bruxelles) puisqu'une équipe de la VRT avait justement décidé de suivre ledit Louis Maraite en tant que journaliste wallon (pour l'émission "Panorama"). On ne saura jamais sur quelle base ils ont jeté leur dévolu sur ce grand reporter extraordinaire mais il faut d'ores et déjà, en tant que wallon, regretter ce choix d'un journaliste dont la proximité assez affichée avec un des hommes politiques les plus détestés au nord du pays risque de déservir l'effort de beaucoup de wallons et de wallones pour véhiculer une autre image de leur belle Région que le clientelisme (pour ne pas dire le populisme) de "Papa".

Enfin, signalons cette intervention pour le moins épique de la très talentueuse chargée de com' du Président 'Crupo (désormais du PS dans son ensemble) Florence Coppenolle à la suite de l'ultime question du modérateur Van de Woestijne qui demandait aux intervenants ce qu'ils feraient avec Yves Leterme en tant que chargés de communication.
Les caméras de la VRT braquées sur elle, la porte-parole du PS a, dans son style très énergique, dit (accrochez vous bien !) qu'elle l'asseyerait devant elle, lui filerait une triple paire de baffes et lui diraient que tout ce qu'il a fait depuis le soir du 10 juin est pourri (puisqu'il a réussi à se faire encore un peu plus détesté) et qu'il peut revoir sa copie.
C'est ce qu'on appelle la méthode forte mais elle semblait avoir receuilli, en plus de l' hillarité de la salle, les faveurs de beaucoup d'entre nous.

En guise de conclusion, souhaitons longue vie à cette excellente initiative qu'est la journée du livre politique et souhaitons aussi à cette manifestation qu'elle bénéficie à l'avenir d'une assistance à la hauteur de son intérêt.

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dimanche 14 octobre 2007

Vers des universités d'élite ? L'UCL et son obsession des classements.

De temps à autre, l'UCL fait une sortie médiatique pour se gausser de son tout nouveau prestige international, depuis qu'elle a émergé parmi les 200 universités du classement du Times Higher Education Supplement, en 2005. En l'occurence, Le Vif fait écho d'une étude réalisée par... un chercheur de l'UCL, qui réévalue la place de l'université néo-louvaniste au prorata de ses subsides (le résultat de l'opération étant évidemment à son avantage).

Un récent article du journal Le Soir avait fait la part belle aux critiques vis-à-vis de la méthodologie de ces "rankings". Mais plus fondamentalement, je trouve qu'on n' interroge pas assez la logique sous-jacente à ces classements internationaux.

J'illustrerai cette négligence de réfléchir au fond et de remettre en question la position des unifs par rapport à la concurrence internationale par une interview commune des recteurs de l'ULB et de l'UCL, qui parviennent à se contredire complètement à quelques lignes d'intervalle :
Pierre de Maret (ULB) : L'ULB et l'UCL plaident pour un monde plus solidaire. Il faut remettre cette valeur dans le projet universitaire, à une époque où l'on a trop tendance à l'économie de marché et à la concurrence.

(...)

Bernard Coulie (UCL) : Après ce classement, nous lançons donc un appel pour qu'on donne les moyens à l'enseignement francophone de Belgique de rester concurrentiel. C'est simple: s'il ne reste pas sur la scène internationale, il deviendra un enseignement de province!
(La Libre, 19 janvier 2005)


Bref, tout cela m'a donné une furieuse envie de ressortir de mes cartons un article que j'avais écrit l'année passée pour La Savate, le journal de l'Assemblée Générale des étudiants de Louvain. Evidemment, les constats qui y sont faits restent entièrement valables aujourd'hui...


Voici donc l'article en question :

Pourquoi l'UCL ne devrait pas se vanter de sa place dans les classements ?

Depuis quelques années, à chaque rentrée académique c'est le même cirque. "Deux universités belges dans le top 100", claironne La Libre Belgique. "L'UCL dans le top 80 des universités", précise La Quinzaine, histoire de rehausser encore un peu la gloire de notre Alma Mater. C'est que l'UCL s'est classé 76e dans le dernier classement du Times Higher Education Supplement.


Dans le monde anglo-saxon, la culture des rankings universitaires remonte déjà à quelques dizaines d'années. Avec les premiers classements internationaux, c'est à notre tour de succomber à la mode des classements… L'année passée pourtant, un rapport du CIUF très critique sur ces rankings expliquait les raisons de « la réserve et la méfiance des universités de la Communauté Wallonie-Bruxelles sur la pertinence et la valeur des classement d'universités ». Méfiance qui n'empêchera pas Bernard Coulie, recteur de l'UCL, de s'extasier en ces termes dans son discours de rentrée : « Notre université fait aujourd'hui partie des très bonnes universités : les classements internationaux la situent dans les 100 meilleures universités du monde, dans les trente ou quarante meilleures en Europe, et dans les vingt meilleures universités complètes. Je veux en remercier et en féliciter tous les membres de l'UCL, et chacun de nous peut être fier de la qualité de notre université. »

Réaction d'un prof de l'UCL: « Ce jour là, j'étais humilié. Se gausser ainsi de notre score dans ce ranking alors que c'était le moment de dire à nos confrères de l'ULB : '' Vous avez perdu 100 places et nous en avons gagné dix, mais l'année prochaine ce sera peut-être l'inverse !''. »

En effet, on peut rester dubitatif quant à la pertinence d'un classement qui présente de telles variations d'une année à l'autre. De 2005 à 2006, la VUB passe de la 259e place à la 133e ; l'ULB passe de la 76e à la 165e place. Les classements à rebondissements sont plus vendeurs dira le cynique. Mais le soupçon se confirme lorsqu'on examine de plus près la méthodologie suivie par les instituts de rankings : biais en faveur des universités anglophones et des sciences dures (les articles dans des revues de sciences dures anglo-saxones sont majoritairement pris en compte pour évaluer la recherche), élimination des institutions de petite taille, importance prépondérante de la recherche par rapport à l'enseignement (60% du poids total), pédagogie pas ou mal évaluée (le critère utilisé est le rapport entre le nombre d'étudiants et le nombre d'enseignants), etc. On le voit, au niveau des critères utilisés, c'est le grand règne de l'arbitraire.

Mais au-delà de ces critiques sur la forme, la question se pose de savoir s'il est sain pour nos universités d'entrer dans la logique des rankings. Logique d'après laquelle il existe une poignée d'« universités d'élite » (le top 10 ou 15) qui attirent les meilleurs professeurs et les étudiants les plus ambitieux, et une multitude d'universités moyennes dont le diplôme est infiniment moins valorisé. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard si la folie des classements est née aux Etats-Unis, pays dont le système universitaire connaît un grand dualisme (Harvard, Yale, Princeton… et puis toutes les autres). Ce système ne connaît pas la liberté d'accès et la mixité sociale qui caractérisent notre enseignement supérieur. De plus, dans ce système, l'enseignement supérieur est un grand marché où les étudiants « consommateurs » doivent choisir l'institution qui leur offre la formation présentant le meilleur rapport qualité/prix. Mais l'enseignement n'a-t-il d'autre rôle que celui, instrumental, de fournir un statut social (et la rémunération qui en découle) à ses étudiants ? Oubliées les autres missions de l'Université, telles la formation à la citoyenneté, l'esprit critique, la responsabilité du jugement ?

L'enseignement universitaire belge, qui ne connaît pas de grandes disparités entre les différentes institutions, fait figure d'exception. Sommes-nous sur le point d'y mettre fin? On pourrait le penser, non seulement lorsqu'on voit l'énergie déployée par la grande majorité de nos universités pour améliorer leur score dans le prochain classement, mais également à en croire certaines déclarations d'intentions. Dans son discours de rentrée, le recteur Coulie ajoutait encore : « Nous sommes aux portes de ce qui constituera demain le groupe de tête. Y entrer doit susciter notre enthousiasme et mobiliser nos énergies. C'est l'ambition et la vocation de l'UCL. »

Malheureusement, la tentation restera grande pour nos universités de jouer le jeu des rankings, tant que subsistera le mode de financement actuel « en enveloppe fermée », qui place nos universités dans une situation de concurrence extrême. Pour donner les moyens à nos universités de refuser d'être les esclaves des classements, il faut un refinancement des universités, comme le revendique la FEF depuis plusieurs années. Mais au final, c'est aux recteurs de prendre la décision courageuse de ne pas sacrifier notre conception égalitaire de l'enseignement sur l'autel de la concurrence internationale.

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