2 - Le retour de BHV ?
L’actualité politique de cette année 2004-2005 fut donc assombrie par la crainte d’une crise gouvernementale. La presse ne donnait pas cher de la peau de l’équipe Verhofstadt II, agitant régulièrement le spectre d’un échec des négociations sur Bruxelles-Hal-Vilvorde, qui conduiraient inévitablement à des élections anticipées. Alors que la véritable discussion était entamée de manière informelle dans un groupe de travail ah hoc, en commission de l’Intérieur de la Chambre on passa l’année à gagner du temps. A chaque réunion, seul le point 1 de l’ordre du jour était examiné : l’audition des représentants du gouvernement. Excédé par cette obstruction parlementaire, le CD&V/N-VA finit par quitter le groupe de travail tablant sur BHV.
Finalement, le « Groupe des douze » parvint à un projet d’accord étonnant : la scission est acquise (sans que soit toutefois créée une seule circonscription du Brabant flamand), mais les droits des électeurs des 6 communes à facilités sont préservés (alors qu’un régime transitoire est appliqué à une autre partie des communes de Hal-Vilvorde), et d’importantes concessions sont faites aux francophones : un refinancement de la région bruxelloise, l’assouplissement de la législation linguistique dans cette même région, une tentative de solution pour le contentieux autour des circulaires Peeters (encore que l’accord ne soit pas très clair à ce sujet) et surtout, l’élargissement des compétences territoriales de la communauté française aux communes à facilités (dans les matière personnalisables, certaines matières culturelles, et en matière d’enseignement primaire). Ce dernier point mérite qu'on s'y arrête. Il s’agit d’une concession inouïe de la part de la partie flamande du pays. Et inattendue, puisqu’on touche ici au principe de territorialité. Ce qui est d’ailleurs assez paradoxal pour un accord qui vise à scinder une circonscription électorale au nom du respect de ce même principe de territorialité. Cela dit, n'allait-on pas créer une nouvelle source de tensions dans les communes à facilité ?
Qu’en est-il, pour finir, de l’interprétation de l’arrêt de la Cour d’arbitrage du 26 mai 2003 ? J’ai tenté, du mieux que j’ai pu, d’interpréter l’argumentaire assez complexe des différentes parties dans la bataille de constitutionnalistes qui eut lieu autour de cet arrêt, pour vous en présenter une version surement abusivement simplifiée. Ceux qui restent allergiques à toute forme de langage juridique peuvent directement passer au paragraphe suivant !
- Oui, disent les flamands, en se basant le passage suivant : « B.9.8. Pour ces raisons, il peut être admis que la répartition en circonscriptions électorales opérée par la loi entreprise soit maintenue pendant le délai de quatre ans prévu par l’article 65 de la Constitution prenant cours au moment déterminé par l’article 105 du code électoral ». On pourrait donc en déduire que la circonscription BHV ne pourrait être maintenue passé ce délai.
- Non, non et non, disent les francophones, puisque la Cour, en B.9.6., après fondé le rejet du grief concernant BHV sur l’existence d’un but légitime, à savoir le « souci (…) de recherche globale d’un indispensable équilibre entre les intérêts des différentes communautés et régions au sein de l’Etat belge », elle précise qu’elle « substituerait son appréciation à celle du législateur si elle décidait qu’il doit être mis fin, dès à présent, à une situation qui a jusqu’ici emporté l’adhésion du législateur, alors qu’elle n’a pas la maitrise de l’ensemble des problèmes auxquels il doit faire face pour maintenir la paix communautaire ». Si la Cour avait voulu scinder BHV, elle aurait choisi d’annuler les dispositions critiquées, éventuellement en maintenant provisoirement leurs effets .
Deuxièmement, quelle est le délai fixé par la Cour ?
La question est importante, car de sa réponse dépendra le moment de la résurgence du débat autour de BHV. D’après l’article 105 du code électoral, le délai de 4 ans prévu par l’article 65 prend cours à partir de la date de cooptation des sénateurs au début de la législature. Il s’agirait donc, après un rapide calcul, du 19 juin 2007. C’est du moins l’interprétation soutenue par le Premier ministre lors de sa déclaration du 11 mai 2005, et rarement contredite depuis.
Reste, bien sûr, qu'un nouveau statu quo sur BHV n'est pas vraiment plausible. Mais comme on risque fort d'entendre à nouveau l'argument d'autorité sur lesquels se basent les partis flamands, arguant que la Cour d'arbitrage impose la scission, sa réfutation est d'une importance cruciale pour les francophones. Ainsi, aucune des deux parties ne pourrait se targuer d'avoir la Cour d'arbitrage dans son camp.
Le projet d'accord du 10 mai 2005, même s'il n'a jamais vu le jour, prouve au moins qu'une résolution de cet imbroglio communautaire est possible. Aujourd'hui, on évoque de plus en plus le scénario d'un troc entre la scission de BHV et l'introduction d'une circonscription électorale fédérale (qui sera l'objet d'un prochain post, promis !). Ce qui ne manque pas de faire bondir les politiques francophones. Le mot d'ordre est de nouveau "Non, il n'est absolument pas question de scinder BHV". Posture en prévision des prochaines négociations, sans doute. Mais pas complètement infondée. Car un tel marché, pour être acceptable par les partis du Sud du pays, devrait être assorti de réserves quant aux droits électoraux des francophones de la périphérie.
Le "Halle-Vilvorde Komitee" : http://www.haviko.org/
ou encore : http://www.burgerzin.be/
3 commentaires:
A quand une analyse de votre part sur la situation des Fourons, à côté de votre excellent article concernant le problème B-H-V ?
Merci ! Concernant les Fourons, je suis sûr que vous seriez mieux à même de nous faire un petit récapitulatif historique (à moins que votre blog n'en présente déjà un ?)
Cour d'arbitrage qui répond désormais au doux nom de "Cour constitutionnelle"
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