EBE (ancienne adresse): mars 2007 EBE (ancienne adresse): mars 2007

mardi 20 mars 2007

Louis Michel: "Je n'ai pas de leçons à recevoir de vous"

Grande et belle phrase que celle-ci, lancée lundi par le Commissaire européen au développement et à l'aide humanitaire, et accessoirement candidat MR au Sénat, à Maître Alexis Deswaef, avocat au barreau de Bruxelles et récent lauréat du concours international de plaidoiries pour la défense des Droits de l'Homme au Mémorial de Caen (pour avoir plaidé la cause de Tumba, 6 ans et demi, 82 jours de centres fermés). Recontextualisation.

Votre serviteur, Big Loulou, Maître Deswaef et beaucoup d'autres concitoyens sont rassemblés lundi, à l'initiative du journal Le Soir et du Mouvement Européen-Belgique (présidé par le fier Charles-Ferdinand Nothomb), dans une salle de Commission du Parlement européen à Bruxelles pour une conférence-débat relatives aux politiques européennes d'immigration.

Au cours de la courte intervention "non contradictoire" dont disposait chacun des quatre intervenants, les considérations de Louis Michel furent conformes à l'image que celui-ci véhicule continuellement, à savoir celle d'un gentil grand père amoureux de la liberté, humain et social.
Concrètement, en ce qui concerne le phénomène de l'immigration, le Commissaire plaidait pour une remise en question des politiques plus anciennes qu'actuelles (selon lui) de répression voire de forte régulation de l'immigration puisque, comme le disait Kofi Annan (il a de bonnes lectures!), les migrants font partie de l'Histoire de l'humanité.

Alors s'ouvrit la fameuse séance de questions-réponses pendant laquelle l'intervenant Michel fut très souvent mis à contribution.

Au début, quelques questions lui furent adressées mais l'homme politique intelligent qu'il est y a répliqué facilement, en ne répondant pas véritablement à la question dans bien des cas.
A ce propos, il faut épingler l'interpellation d'un spectateur à propos de financements de la part d'un Etat Membre (l'Italie) d'armements destinés aux forces de l'ordre lybiennes pour combattre les flux migratoires vers la Botte. Ici, Big Loulou eut cette réponse très politicienne: "c'est grave, je l'ignore et je vais m'informer".
Sans tomber dans la basse critique, l'on peut tout de même penser que ces forces de l'ordre ne vont pas "repousser" les flux migratoires avec des arcs à flêches ou des filets pour papillons... Fatalement, elles ont besoin de moyens en armement (même à but dissuasif) qui, quand bien même des financements ne les prévoiraient pas spécifiquement, sont apportés par un financement plus général à des forces de l'ordre frontalières (marocaines, lybiennes...) -via l'agence FRONTEX-dont Louis Michel a reconnu l'existence.
En somme, même si ceci est toujours hypothétique, l'UE finance, indirectement bien souvent, l'armement de ces forces de l'ordre chargées d'endosser la responsabilité des excès des politiques de l'Europe-forteresse. Dans cette hypothèse, il n'y aurait donc pas de différence entre des financements directement dédiés à l'armement -idée heureusement rejetée par Michel- et des financements généraux comme il en existe aujourd'hui à destination de ces forces de l'ordre.

Venons-en alors au fait d'arme objet de ce billet.
Maître Alexis Deswaef interpelle le Commissaire Michel sur l'enfermement d' enfants dans les centres fermés en Belgique.
Louis Michel nous livre sa vision du problème ("il faut protéger ces enfants des risques d'atteinte à leur intégrité"...) et met en garde le public présent de ne pas tomber dans "des généralités" qui consistent à dire que ces centres fermés sont des prisons.
L'avocat évoque alors, très justement et très calmement, l'arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme du 12 octobre 2006 qui a condamné la Belgique pour la détention de mineurs dans les centres fermés et qui évoque des conditions de "détentions" inadaptées aux mineurs.
Fort logiquement, Alexis Deswaef en conclut que ces centres ont un caractère carcéral puisque la CEDH utilise le jargon propre à la prison pour décrire les conditions de ces mineurs à l'intérieur de ces enceintes et, selon l'avocat, l'arrêt parlerait de "régime carcéral inadapté aux mineurs".

Désabusé, l'animal politique MICHEL devient réellement nerveux et, comme pour clore un débat qu'il ne maitrise plus et qui lui a donné tort, envoie cette phrase pseudo-assassine à l'encontre de l'avocat qui a eu, lui, bien plus d'intelligence en ne répondant pas à pareille insulte... à l'intelligence : "Je n'ai pas de leçons à recevoir de vous".

De plus, auparavant, Big Loulou, devinant que Maître Deswaef était spécialiste en la matière, signala à l'assemblée que certains avocats s'étaient spécialisés dans la défense des mineurs détenus en centre fermé, comme pour sous-entendre que ces opportunistes avaient flairé là un marché à prendre...

Alors, au delà de ces basses attaques, il nous semble qu'il faut voir là une preuve de l'incohérence (le "grand défenseur de la liberté" attaque...un défenseur de la liberté, le légaliste autoproclamé ne donne pas de crédit à une décision judiciaire, le grand démocrate n'a pas de leçons à recevoir d'un concitoyen, qui plus est avocat) et de l'égo démesuré de Louis Michel (dans la Libre de samedi: "je viens pour stabiliser le pays").

Néanmoins, loin de moi l'idée de nier certaines qualités à notre Big Loulou national.
Entres autres, il est évident qu'il a redonné des couleurs à notre diplomatie et je pense sincèrement que nous pouvons lui être reconnaissants de ne pas avoir engagé la Belgique dans le bourbier irakien et de s'être farouchement opposé à cette guerre qui a tourné à la catastrophe.

Indéniablement, il aura apporter plus à la Belgique que Van Cau, Daerden, Frank Vandenbroucke, Karel De Gucht et Sabine Laruelle ensemble...

Ceci dit, à l'heure où cet imposant et charismatique gaillard s'apprête à faire son retour dans la jungle politique belge à l'occasion des élections du 10 juin prochain, il me semblait important de nuancer -quelque peu- les portraits généralement complaisants voire glorificateurs (exemple: "les bureaux du pouvoir"-RTBF) que les médias font de ce personnage politique clé.

Lire la suite ...

samedi 10 mars 2007

Élections et repositionnements idéologiques

Chez l'homo politicus, l'année électorale est souvent synonyme de repositionnement. Parfois, une refonte de son programme n'est même pas nécessaire. Il suffit de faire évoluer son discours ou de mettre en exergue une mesure symbolique. Prenons l'exemple de la (pré-)campagne électorale française. Nicolas Sarkozy, lorsqu'il n'était "que" ministre de l'intérieur et président de l'UMP, adoptait un profil libéral "pur et dur" sur le plan économique, et populiste flirtant avec l'extrême-droite à propos de l'immigration. Puis, le candidat Sarkozy, soucieux de ratisser large et particulièrement dans le jardin de sa compétitrice de gauche, eut un discours d'investiture pour le moins étonnant où, à grands coups de "j'ai changé", il se réclamait de la paternité de Jean Jaurès ou de Léon Blum et se voulait également plus consensuel sur la question de l'intégration. Survint François Bayrou, dont le programme est plutôt de centre-droit mais dont le discours plutôt de centre-gauche. Dès lors, doublé dans sa tentative de séduction à gauche par un Bayrou en pleine ascension dans les sondages (qui, malgré leurs prédictions erronées de 2002, n'ont jamais eu autant d'influence que lors de cette campagne), Sarkozy n'a plus d'autre choix que d'aller grapiller des voix... à l'extrême-droite. Machine arrière donc, avec le retour du fameux "aimez-la ou quittez-la" ainsi que sa récente proposition d'un "ministère de l'immigration et de l'identité nationale".

Qu'en est-il chez nous ?

Si l'on veut faire la comparaison avec la campagne électorale belge, il faut tout d'abord passer par cette évidence que notre scrutin, législatif et pas présidentiel, ne conduit pas une telle "lutte de personnes" comme en France. Il n'est donc pas possible de jouer le même numéro de contorsionnistes qu
e les présidentiables français. Ni même nécessaire, vu l'intérêt bien moindre de la population belge pour ses élections : sans doute sont-elles moins spectaculaires que le choc des titans chez nos voisins, mais peut-être aussi parce qu'elles sont la troisième échéance électorale en quatre ans...

Toujours est-il que, la campagne électorale étant légèrement moins superficielle qu'en France, les repositionnements des partis belges sont habituellement plus consistants : En plus de la traditionnelle résurrection du clivage gauche-droite entre les actuels coalisés MR et PS, on remarque une série d'ajustements : le VLD se revendique "ouvert", tout le monde vire au vert, alors que les verts, eux, virent au bleu. Quant aux bleus, ils sont toujours tiraillés entre la tendance centriste du "libéralisme social" cher à Louis Michel, et une tendance plus droitière représentée notamment par Armand De Decker (qui a récemment pondu une carte blanche dans Le Soir sur le thème du "tout fout l'camp" où il dénonce "une société devenue de plus en plus laxiste").

S'il est sain qu'un parti politique fasse évoluer ses positions, plutôt que de s'en tenir à une stricte doctrine orthodoxe, on est plus perplexe face aux repositionnements radicaux, souvent purement stratégiques. Que penser de la force de conviction des leaders écologistes qui, en deux législatures, ont fait évoluer le positionnement de leur p
arti, initialement à la gauche de la gauche, vers une version Canada Dry du PS, pour finir par tendre (semble-t-il) vers le centre-droit ? Loin d'être un anti-écolo primaire, j'épingle ce revirement en particulier parce qu'il est sans doute un des plus impressionnant dans notre paysage politique. Et sans doute aussi parce qu'il me déçoit particulièrement (je revendique ma non-prétention à la neutralité sur ce blog). D'autant qu'une écologie qui ne remet pas en cause la société capitaliste se résigne à ne pouvoir agir qu'à la marge, pour repousser autant que possible le point de non-retour où notre écosystème sera irrémédiablement perdu.

Toujours est-il que ce phénomène des repositionnements stratégiques en politique n'est certainement pas neuf. La fin des idéologies en politique a sans doute permis de l'accentuer. Certains s'en réjouiront, voyant dans cet état de fait la victoire du pragmatisme sur les anciens dogmes. A contrario, d'autres y verront un signe du chronique manque de vision de nos hommes politiques, pour ne pas dire leur courte vue.

Lire la suite ...
Abonnez-vous à notre flux RSS.