Élections et repositionnements idéologiques
Chez l'homo politicus, l'année électorale est souvent synonyme de repositionnement. Parfois, une refonte de son programme n'est même pas nécessaire. Il suffit de faire évoluer son discours ou de mettre en exergue une mesure symbolique. Prenons l'exemple de la (pré-)campagne électorale française. Nicolas Sarkozy, lorsqu'il n'était "que" ministre de l'intérieur et président de l'UMP, adoptait un profil libéral "pur et dur" sur le plan économique, et populiste flirtant avec l'extrême-droite à propos de l'immigration. Puis, le candidat Sarkozy, soucieux de ratisser large et particulièrement dans le jardin de sa compétitrice de gauche, eut un discours d'investiture pour le moins étonnant où, à grands coups de "j'ai changé", il se réclamait de la paternité de Jean Jaurès ou de Léon Blum et se voulait également plus consensuel sur la question de l'intégration. Survint François Bayrou, dont le programme est plutôt de centre-droit mais dont le discours plutôt de centre-gauche. Dès lors, doublé dans sa tentative de séduction à gauche par un Bayrou en pleine ascension dans les sondages (qui, malgré leurs prédictions erronées de 2002, n'ont jamais eu autant d'influence que lors de cette campagne), Sarkozy n'a plus d'autre choix que d'aller grapiller des voix... à l'extrême-droite. Machine arrière donc, avec le retour du fameux "aimez-la ou quittez-la" ainsi que sa récente proposition d'un "ministère de l'immigration et de l'identité nationale".
Qu'en est-il chez nous ?
Si l'on veut faire la comparaison avec la campagne électorale belge, il faut tout d'abord passer par cette évidence que notre scrutin, législatif et pas présidentiel, ne conduit pas une telle "lutte de personnes" comme en France. Il n'est donc pas possible de jouer le même numéro de contorsionnistes que les présidentiables français. Ni même nécessaire, vu l'intérêt bien moindre de la population belge pour ses élections : sans doute sont-elles moins spectaculaires que le choc des titans chez nos voisins, mais peut-être aussi parce qu'elles sont la troisième échéance électorale en quatre ans...
Toujours est-il que, la campagne électorale étant légèrement moins superficielle qu'en France, les repositionnements des partis belges sont habituellement plus consistants : En plus de la traditionnelle résurrection du clivage gauche-droite entre les actuels coalisés MR et PS, on remarque une série d'ajustements : le VLD se revendique "ouvert", tout le monde vire au vert, alors que les verts, eux, virent au bleu. Quant aux bleus, ils sont toujours tiraillés entre la tendance centriste du "libéralisme social" cher à Louis Michel, et une tendance plus droitière représentée notamment par Armand De Decker (qui a récemment pondu une carte blanche dans Le Soir sur le thème du "tout fout l'camp" où il dénonce "une société devenue de plus en plus laxiste").
S'il est sain qu'un parti politique fasse évoluer ses positions, plutôt que de s'en tenir à une stricte doctrine orthodoxe, on est plus perplexe face aux repositionnements radicaux, souvent purement stratégiques. Que penser de la force de conviction des leaders écologistes qui, en deux législatures, ont fait évoluer le positionnement de leur parti, initialement à la gauche de la gauche, vers une version Canada Dry du PS, pour finir par tendre (semble-t-il) vers le centre-droit ? Loin d'être un anti-écolo primaire, j'épingle ce revirement en particulier parce qu'il est sans doute un des plus impressionnant dans notre paysage politique. Et sans doute aussi parce qu'il me déçoit particulièrement (je revendique ma non-prétention à la neutralité sur ce blog). D'autant qu'une écologie qui ne remet pas en cause la société capitaliste se résigne à ne pouvoir agir qu'à la marge, pour repousser autant que possible le point de non-retour où notre écosystème sera irrémédiablement perdu.
Toujours est-il que ce phénomène des repositionnements stratégiques en politique n'est certainement pas neuf. La fin des idéologies en politique a sans doute permis de l'accentuer. Certains s'en réjouiront, voyant dans cet état de fait la victoire du pragmatisme sur les anciens dogmes. A contrario, d'autres y verront un signe du chronique manque de vision de nos hommes politiques, pour ne pas dire leur courte vue.
26 commentaires:
Je n'arrive pas à ouvrir l'article sur les amourettes bleues des Verts. Serait-il possible, Xime, que tu me l'envoies par mail copier-coller car cela m'intéresse ? En effet, je trouve cette information étonnante, moi qui entendais encore il y a quelques mois des positions vertes bien plus à gauche que celles socialistes, à propos de domaines des plus variés, les logements sociaux par exemple. De surcroît, apprendre l'affranchissement des idées vertes par rapport aux rapaces rouges constitue pour moi un soulagement sans pareil en vue du 10 juin : mon tout spirituello-politique a encore du mal à s'avouer quelque flirt bleu sur certains points.
C'est la lutte verte
Qui s'écarte, au final,
De l'internationale
Pour une humanité ouverte.*
* une parodie aussi pathétique que l'original.
Voilà, j'ai corrigé le lien.
Je ne sais pas si c'est tant une affinité particulière avec le MR (comme le sous-entend le journaliste du JDM) qu'un ajustement idéologique suspect vers le centrisme pour un parti à l'origine positionné à gauche du PS. Il y a pas mal de rumeurs d'autres transfuges (après Henri Simmons, on parle de Josy Dubié) qui en aurait marre de cette tendance au moins "ni gauche ni droite". Avec le recul, je me rends compte qu'il est peut-être un peu exagéré de parler de virage au bleu. Néanmoins la dé-gauchisation est bien réelle.
Je pense aussi que c'est exagéré de dire que les verts virent au bleu. (ca me fait penser aux critiques qui sont faites à Cohn-Bendit)
En France, quels que seront les résultats des élections présidentielles d'ailleurs, il y a une réorganisation du "centre" qui va se poursuivre. La plupart des anciens centristes sont partis vers une droite plus affirmée. Des chaises vides ont été remplies par des gens qui ont de nouvelles idées, peut-être inspirées par une certaine vision de la politique européenne (fédéraliste ?). Des idées dont les écologistes en quête d’une nouvelle originalité identifiable ne renient pas.
En Belgique (francophone), le "centre " est presque une chaise vide pour le moment. En Belgique (néerlandophone), même résultat mais là c’est le CD&V tout entier qui s’en est allé vers la droite. L’ « open » du VLD est une réponse pour mettre quelqu’un dans cette chaise vide soutenue par des électeurs.
Ce n’est donc non plus les idées de ce vieux centre qui s’est en allé vers la droite, mais ces nouvelles idées –encore à déterminer clairement- d’un « nouveau ‘centre’ » qui deviennent de plus en plus compatibles avec le mouvement vert (dont la position "gauche de la gauche" originelle a disparue avec la dissolution des voix communistes et anti-capitaliste).
J’ai l’impression que deux chose arrivent très doucement :
- une vision européenne de la politique à l’échelon national (cfr. l’ambigue complicité que pourraient avoir Bayrou-Merkel-Prodi ; cfr aussi la configuration et composition des partis et alliances du Parlement Européen par rapport à celles dans les Etats-Membres)
- une vision à deux dimensions (comme une fonction XY ☺ ) –et non plus à un seul facteur « gauche-droite »- des positions des partis.
Mais bon, je prends sûrement mes fantasmes simplistes (et remplis d'amateurisme) pour des réalités. ☺
Personnellemnet, je ne me fie pas du tout au Journal du Mardi et à Demelenne en particulier, ils sont clairement des lèches-bottes di rupiens, subventions d'un journal structurellement déficitaire oblige.
Après, qu'Ecolo fasse moins d'idéologie, moi cela me convient. Il faut arrêter de croire que le changement peut venir des socialistes, ils ont eu leur chance, et on voit ce qu'ils en ont fait. Pour conduire les réformes qui nous attendent Ecolo et le MR sont beaucoup plus crédibles que le PS et le CdH.
Je pense également qu'il est excessif de dire que les verts virent au bleu. C'est plutôt qu'ils envisagent maintenant des alliances avec le MR plus facilement que lorsque l'olivier était de mise, empêchant toute coalition de ce type. Peut-être est-ce parce qu'ils essayent de ne pas trop s'associer avec le PS qui a une lourde tendance maffieuse (encore que, le MR et le CDH ont également ce caractère (mais dans une moindre mesure pour le MR)). Toujours est-il que je ne peux que me réjouir du bris de l'olivier. En effet, vu la large majorité des partis de gauche en Belgique, si tous se coalisent, les libéraux n'auraient plus aucune chance d'accéder au pouvoir. Non seulement cela créerait une bipolarisation excessive et non souhaitable de la société belge, mais en plus, cela rendrait encore plus inutile de voter puisque "les jeux seraient déjà faits" (sans compter que cela rendrait encore plus massif le désintérêt populaire pour la politique). De plus, en empêchant la "droite" (centre-droit tout au plus) de se faire entendre, on sape le débat démocratique gauche-droite qui, me semble-t-il, est vital et sain pour la société. Bref, si les écolos se centrisent, tant mieux ! :)
Je crois par ailleurs que le phénomène n'est pas propre aux verts.
En effet, la zone de l'électorat qui fait et défait les élections, c'est celle des électeurs du centre (à savoir la classe moyenne pour une grosse part), les marges votant de façon relativement constante. Par ailleurs, les médias, en véhiculant et développant toute une idéologie politiquement correcte, presque apolitique tant elle est consensuelle et intellectuellement esthétique, créent également une sorte de centre idéologique qui est un passage obligé pour espérer gouverner. Ces deux phénomènes conjugués forcent les partis de l'establishment (c'est-à-dire les partis de gouvernement ou pouvant prétendre à gouverner) à se recentrer.
Du coup, apparaît un nouveau clivage qui oppose partis de l'establishment et partis anti-establishment (essentiellement l'extrême gauche et l'extrême droite). Il faut d'ailleurs remarquer que, électoralement parlant, il recoupe largement les "in" et les "out" du système.
Dès lors, un parti comme écolo (et le parallèle avec la transformation du socialisme en social-démocratie, acceptant l'économie de marché, renonçant à la révolution, etc, est parlant à cet égard), issu du pôle anti-establishment, se rapproche idéologiquement de l'establishment au fur et à mesure qu'il est intégrable au système, son électorat suivant plus ou moins le même mouvement puisque ses attentes sont de plus en plus rencontrées par l'État.
Par ailleurs, je ne souscrit pas à l'idée que les idéologies ont disparu. Au sein de ces deux pôles, il y a toujours une gauche et une droite. L'électorat lui-même réclame une classification gauche/droite qui est nécessaire pour décoder la politique dans un monde changeant. Je ne connais d'ailleurs aucun parti qui soit réellement au centre, si tant est qu'un centre existe (celui-ci étant en plus propre à chaque pays). En réalité, notre société subit une mutation, liée à la mondialisation, et nous assistons à une lente recomposition des idéologies sur base de cette nouvelle donne. Il faut redéfinir les valeurs, les horizons d'attentes, les méta-narrations, etc. Il est évident que le socialisme ne peut plus parler de "grand soir", que la démocratie chrétienne ne peut plus se fonder uniquement sur la religion pour répondre aux nouveaux défis, ... et c'est pour cette raison qu'à l'heure actuelle, il est si aisé de croire que les idéologies disparaissent ou que la politique n'a plus d'intérêt. C'est, à mon sens, le fait d'une inertie normale du système politique face aux bouleversements socio-économiques, qui fait que le discours actuel n'est plus adapté et que les partis ont tendance à ratisser le plus large possible puisque le comportement de l'électeur, déboussolé par les mutations sociétales, est moins prévisible qu'avant.
(Désolé pour la tartine :) )
Cablog
Cab : D'accord sur l'argument arithmétique en faveur de l'alternance gauche-droite. Mais pourquoi est-ce à écolo de servir de bouche-trou ? Je maintiens qu'un parti écologiste du centre ne pourra jamais mener qu'une écologie superficielle qui ne cherche pas à remettre en cause le rapport à la nature de la société de consommation.
De plus, on verra bien si son électorat suivra plus ou moins le mouvement... J'en doute fort. L'électorat écolo est en grande partie formé d'universitaires séduits par l'approche novatrice et anticonformiste de ce petit parti... Alors maintenant qu'il se range, et que ses mandataires menacent de migrer au PS, quel électorat leur restera-t-il ?
Quant à la fin des idéologies, je visais par là l'acceptation du système capitaliste par toutes les tendances politiques (qui continuent bel et bien à exister, je ne fais pas un discours bayrouiste; cependant les désaccords entre "social-démocratie" et "centre-libéral" portent sur des mesures concrètes et des questions pratiques, plus que sur les grands principes; le débat gauche-droite est devenu un débat de gestionnaires plus qu'un débat de visionnaires).
Ecolo n'est pas forcément un bouche-trou. Il pourrait très bien s'agir de la nouvelle gauche, remplaçant la vieille social-démocratie.
Quand le socialisme est né, s'opposant au communisme en ce qu'elle abandonnait l'idée de révolution, il y a sûrement eu des gens pour tenir un discours tel que le tien pour Ecolo. L'histoire leur a prouvé qu'ils avaient tort : on est plus efficace en réformant petit à petit le système qu'en cherchant à changer tout le système d'un coup. Je ne crois pas aux révolutions et aux lendemains qui chantent. Je crois par contre au réformisme. En politique, il faut rechercher à atteindre un résultat, le moyen étant peu intéressant. Ainsi le socialisme est parvenu à obtenir une relative égalité sociale entre les citoyens, sans socialiser les moyens de production pour autant. Faut-il en faire une maladie ? je ne crois pas.
Par ailleurs, l'électorat a suivi les socialistes. Et dans le cas d'Ecolo, si l'électorat ne suit pas, ça laisse la porte ouverte à un nouveau parti. Je ne peux que m'en réjouir..
D'autre part, je ne vois toujours pas en quoi, le fait d'être plus au centre impliquerait une acceptation du rapport à la nature de la société de consommation... Je te trouve un peu dogmatique : on ne peut donc faire du développement durable qu'en contestant radicalement le système ? Pas de via media ? Le radicalisme n'a jamais rien donné de bon en politique à ce que je sache...
Enfin, je n'ai jamais aimé l'amalgame trop facile entre l'écologie en général et l'idéologie écologiste. Il n'y a, pour finir, aucune antinomie entre le libéralisme capitaliste et l'écologie. On peut très bien intégrer l'un dans l'autre. Ainsi, la création d'un marché du CO2 montre bien que l'économie capitaliste tant décriée peut elle-même être utilisée comme outil pour promouvoir le développement durable... De même, être pour le développement durable ne signifie pas être à gauche de la gauche. C'est simpliste et réducteur. Moi je suis au moins autant écologiste que les verts et pourtant, je ne partage pas leurs opinions politiques. Suis-je politiquement non existant pour autant ? :)
Cab, je partage plutôt bien ta lecture des mouvements actuels.
Je partage également ta croyance que l'on peut faire de l'écologie sans être un anti-système. D'ailleurs, pour flirter avec la culture bobo, il est un poncif bouddhiste qui dit que l'on ne peut changer le monde de l'extérieur et qu'il faut commencer de l'intérieur :). Donc non pas révolution, mais évolution.
Ensuite pour ce que j'en comprends, l'écologie politique n'est pas une anti-thèse du libéralisme : la première traite des relations entre humain et nature et comment intégrer le facteur environnemental dans les activités et les préoccupations humaines, l'autre est une philosophie plaçant la liberté comme la condition nécessaire à l'épanouissement des humains, il n'y a donc pas lieu de les opposer.
Il est même intriguant de réfléchir à leur fusion. Libre choix d'un individu évoluant sur une planète et pour un temps donné, qui respecte l'environnement dans son propre intérêt (environnement respecté = un air pur, une eau propre, une nature magnifique et ingénieuse à découvrir et dont on peut s'inspirer dans nos activités).
Par contre, le PS n'est pas pour moi ni un parti du changement, ni même un parti de gauche dans le sens noble du terme. C'est un parti de nanti qui vampirisent, manipulent et fabriquent des miséreux, des pauvres, une horrible excroissance créée sur la doctrine de la pitié chrétienne (personnellement, je déteste ressentir de la pitié pour quelqu'un). Cette gauche misérabiliste est d'ailleurs selon moi les héritiers d'une pensée chrétienne ("les pauvres seront les riches en mon royaume,.... tous égaux aux yeux du Père....), même s'ils revendiquent la laïcité (vu que le mouvement est né à une époque ou le monde religieux flirtait avec les bourgeois).
Pour terminer, je voudrais simplement revenir sur cette idée que les Verts sont moins " à gauche", et dire à notre hôte que la démocratie participative revendiquée par Ségolène Royal est déjà mise en application dans les communes vertes de notre royaume depuis longtemps. Or, le PS belge n'embraye pas du tout sur cette méthode. Dans mon quartier à Schaerbeek et sur le domaine de la mobilité (meri Smeysters), pourtant cela porte ses fruits, les gens (qui s'y sont essayé)s'impliquent et parlent de leur quartier en des termes engagés. Il se sentent tout simplement impliqués dans les problèmes de leur zone. Il faut certe aller plus loin, généraliser et faire rentrer cette méthode participative dans les moeurs et à l'école, mais c'est selon moi un potentiel prometteur et tellement sain pour la démocratie, qui peut la sauver du populisme et des tentations extrémistes.
Enfin, sur le défi environnemental, il est clair que tous les partis peuvent installer des éoliennes et des panneaux solaires. J'espère d'ailleurs qu'ils le feront tous. Mais ce qui change, d'un parti à l'autre, c'est non seulement le nombre d'éoliennes et de panneaux solaires (la portée des réformes), mais également qui (ou plutot quelles couches) de la société pourront se les offrir.
Seuls les écolos s'attaquent de front à cette problématique, en proposant de faire acheter le matériel par l'Etat qui se rembourse sur les économies réalisées, mais également de faire glisser la fiscalité du travail sur les produits polluants, ce qui permettra de créer, au passage, énormément d'emplois. Enfin, en promulvant la consommation de produits locaux, ils renforcent le marché intérieur et nous rendent moins dépendants des pays émergents. Ils ont beaucoup d'autres idées, et pour cause, cela fait 20 ans qu'ils y réfléchissent. La masse de ces idées constituent une vrai vision, un vrai projet sociétal. Les autres partis proposent le moins possibles de changement. A chacun de savoir ce qu'il veut évidemment.
@Cab : Pourquoi une vraie écologie ne peut-elle s'accomplir sans remise en cause de la société capitaliste ?
Parce que celle-ci est animée par le leitmotiv Smithien de la recherche infinie de la croissance matérielle.
Or, les ressources naturelles sont finies, et s'il est bien sûr possible de repousser tant qu'on peut le jour où ces ressources seront épuisées, cet épuisement finira forcément par advenir avec une population et une production croissantes.
Tu m'excuseras de ne pas entrer ici dans l'éternel débat réformisme contre révolution ;)
@Pixeline : Justement, j'ai toujours été sceptique sur le fait que les propositions écologiques du parti vert étaient un projet de société en soi (non que je ne dise qu'un projet de société écologiste soit impossible, ce serait d'ailleurs un peu contradictoire avec le début de mon message :p). Je trouve que pour avoir un discours complet et cohérent, il leur faudrait un contenu idéologique autre que "les mesures écologiques sont aussi sociales". C'était le cas lorsque Jacky Morael était aux commandes, avec le positionnement "Nous sommes la vraie gauche, le PS s'est affadi dans l'establishment". Alors qu'aujourd'hui...
Xime:
qui parle de triple solidarité aujourd'hui? Ce n''est pas le PS, ce sont les écolos.
(pour rappel: solidarité interpersonnelle, solidarité envers le sud, solidarité envers les générations futures)
J'ai beau cherché, je ne vois pas en quoi Ecolo est moins à gauche que le PS, que du contraire. Mais peut-être que tu devrais définir à ton tour ce que tu entends par la gauche ?
"J'ai beau cherché,"
oups, il fallait lire "J'ai beau chercher,"
désolé
Pour ce qui est d'être éventuellement "moins à gauche que le PS", on comparera les programmes électoraux de 2007. Mais ce que je critiquais principalement c'est un repositionnement vers le centre, en ne s'affirmant plus comme la gauche du PS dans un premier temps, et dans un second temps il y aurait ce discours "ni gauche ni droite" d'après ce que nous rapportent certains journalistes... Mais reste à voir si cette tendance ce confirme.
@ Xime : Smith peut dire ce qu'il veut, il n'empêche que le capitalisme a la capacité de s'adapter aux critiques qui lui sont soumises, ainsi que l'ont montré Boltanski et Chiapello. Le développement durable peut, à mon sens, et je ne crois pas que c'est une utopie, s'intégrer à logique de l'économie de marché. Il suffit d'en changer le mode de consommation. Je ne crois pas aux exclusions mutuelles. Rien n'est plus plastique qu'une idéologie...
Si tu crois que le capitalisme pourrait abandonner son apétit pour la croissance sans se dénaturer, alors oui, peut-être.
Mais j'en doute. Quant à l'argument classique du progrès technique qui permettrait de consommer toujours plus mais avec un impact sur l'environnement toujours plus faible, outre son caractère illusoire selon moi, il cache mal le fait que même si on consommait mieux à l'avenir on consommerait toujours plus (puisque donc croissance + accroissement de la pop).
Interview plutôt décapante de Dubié dans le JDM:
http://www.journaldumardi.be/index.php?option=com_content&task=view&id=1736&Itemid=9
...le tout en rappelant les réserves à avoir par rapport à ce magazine, si l'on en croit Pixeline, entre autres.
http://www.plennevaux.be/alexandre/index.php
@Xime : par le marché, on peut infléchir le fonctionnement du capitalisme. Si tout le monde commence à consommer des produits "verts", les producteurs vont tous s'y mettre puisque ce sera ce qui permet de maximiser (transformer en Maxime ?) son profit. On peut tout à fait développer un très grande majorité de produits recyclables. Ça permettrait de créer des emplois dans l'industrie du recyclage. Et je crois sincèrement qu'il est tout à fait imaginable qu'à terme, on ne consomme plus que des produits recyclables et recyclés... Je ne vois pas en quoi ce serait utopique...
Je reviens avec cet exemple que je trouve parlant : le marché du CO2 qui ne fonctionne pas des masses à cause d'une mauvaise fixation des quotas, mais l'idée montre bien que les outils du capitalismes peuvent être utilisés pour promouvoir le développement durable.
'Fin bon... Prends les armes et fais une révolution si tout est perdu d'avance. Pour le coup, tu es étonnamment plus pessimiste que moi :)
"Par le marché"... que veux-tu dire exactement ? 1) Par l'action collective "citoyenne" des consommateurs (à laquelle tu sembles faire allusion à propos des produits "verts"), ou 2) par la régulation étatique (qui est plutôt visée par l'hypothèse des permis de polluer).
Dans les deux cas, ce n'est pas l'ingéniosité du marché lui-même qui parviendrait à un résultat respectueux de l'environnement, mais un correctif du fonctionnement normal du marché ("citoyen" ou étatique)
A propos du 1) :
La possibilité d'une inflexion substantielle du fonctionnement normal du marché par des consommateurs citoyens (à la base du commerce équitable, notamment), j'y crois moyen. Les économistes parlent du "paradoxe de l'action collective" : en gros, la probabilité d'une action collective est inversément proportionnel à la taille du groupe en question, malgré les nombreux avantages qu’auraient les individus à se mobiliser (cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Logique_de_l%27action_collective#La_logique_de_l.27action_collective ou bien : http://www.intellego.fr/doc/1281 )
A propos du 2) :
Certes, une régulation étatique peut aider à réduire notre impact sur l'environnement, et cela dans le cadre d'un capitalisme de marché.
Cependant, tu esquives le problème de l' inévitable épuisement des ressources par la croissance de la production, à population croissante également. Tout ce que tu proposes ce sont des mesures destinées à repousser ce moment où les ressources sont épuisées. Mais pourra-t-on adopter cette stratégie indéfiniment ?
(Non, je ne suis pas pessimiste, au contraire : Je crois qu' "un autre monde est possible" ^^)
Addendum: l'honnêteté intellectuelle m'impose de préciser que je tire la plupart de mes arguments du passionnant cours de Ch. Arnsperger (prof à la Chaire Hoover) : "Ethique de la population, du développement et de l'environnement".
A l'occasion, je ferai un petit post où je résumerai ses thèses.
1) Et depuis quand les économistes sont des sociologues ? Je crois que si les gens comprennent que l'enjeu est important, ils modifieront leurs comportement. On voit déjà bien comme les préoccupations écologiques sont de plus en plus présentes et comme les gens y font de plus en plus attention. Pas besoin de grande théorie économétrique pour changer les choses : juste de la bonne pédagogie... Par ailleurs, il faut cesser de tout économiser : le comportement du citoyen lambda est tout sauf purement rationnel. Si la société presse sur lui, il s'adapte et ce genre de choses ne sont pas du tout prises en compte par les économistes...
Je n'ai jamais prêté d'ingéniosité au marché lui-même. Je ne crois pas à la main invisible ou à une sorte de force surnaturelle qui ferait tendre tout vers l'équilibre. Je crois juste qu'empiriquement, on voit bien comment fonctionne un marché, et que la force (positive ou négative) qui s'en dégage peut être canalisée ou dirigée en fonction du produit concerné. Étant donné que chacun poursuit son petit intérêt personnel sur le marché, si on parvient à faire cadrer intérêt personnel (c'est-à-dire économique) et bien public (au sens large, écologie comprise), alors c'est du win/win. Ce n'est pas si utopique.
Permis de polluer et quotas de CO2 échangeables sur un marché, c'est kif kif. Le but est d'utiliser l'outil du marché pour infléchir des comportements et en théorie, ça fonctionne. Bien sûr, en pratique, c'est perfectible, et ça doit être rectifié, mais l'essentiel est que cela ouvre des perspectives de changement sans "révolution".
2) La régulation étatique peut aussi entrer en ligne de compte, c'est certain. Je crois d'ailleurs que l'État-nation n'est plus le niveau de pouvoir approprié pour répondre à la mondialisation. Ce sont des ensembles subcontinentaux tels que l'UE qui disposent de la masse critique nécessaire (le plus grand marché commun de la planète) que pour peser sur les pratiques néfastes qu'engendre le néolibéralisme puisque la seule chose que comprennent les grandes sociétés et leurs dirigeants, c'est ce que leur rapporte de plus ou moins grandes parts de marché.
Quant à l'"inévitable" épuisement des ressources, je crois que cela reste à prouver. Si tout le monde mangeait des insectes, la faim dans le monde ne serait plus un problème par exemple. Ça dépend donc de quelles ressources on parle et surtout de comment on les utilise. Je crois que le génie humain pourra toujours nous tirer d'affaire, pour autant que les moyens y soient consacrés (traduction : il faut investir davantage dans la recherche et développement, en ajoutant au cahier des charges des contraintes de développement durable, ce qui est déjà peu à peu le cas)
Enfin, je ne crois pas qu'un "autre monde est possible". Ce sont des rêves d'adolescent. Le monde est tel qu'il est. C'est un donné. Il faut partir de là et pas imaginer quel serait le monde idéal puis essayer de faire cadrer le monde actuel avec cet idéal. Les révolutions n'ont jamais changé grand chose pour finir, si ce n'est le mythe qui fonde une nation. Plutôt que d'essayer vainement de changer le monde, utilisons le monde tel qu'il est et tentons de corriger certaines trajectoires néfastes. Tout n'est pas tout blanc ou tout noir...
P.S.: cette conversation devenant presque personnelle, ne devrions-nous pas la poursuivre en d'autres lieux (mail ou autre) ?
Cablog
Xime a écrit: "tu esquives le problème de l' inévitable épuisement des ressources par la croissance de la production, à population croissante également. Tout ce que tu proposes ce sont des mesures destinées à repousser ce moment où les ressources sont épuisées. Mais pourra-t-on adopter cette stratégie indéfiniment ?"
Je me trompe si je dis que tu es proche du malthusianisme? (je suppose que je ne dois pas expliquer ce que c'est...)
Attention (?)
- il existe des ressources renouvelables
- il existe une meilleure allocation des ressources (reste à discuter si c'est possible avec les outils dispo aujourd'hui)
- la croissance de la production peut se traduire par une croissances des productions immatérielles, nécessitant peu de ressouces épuisables.
- il y a eu une "révolution verte"(les rendements agricoles) (reste à discuter de l'éthique et de l'équité)
Quand à la croissance zéro, l'humanité ne l'a jamais tenue come principe de base. Il faudrait revoir bcp de chose dans ce cas.
Pardon de m'éloigner du sujet et d'offrir une relance pour un débat bien plus large; mais je ne pense pas être le premier :-)
Alors effectivement, on pourrait faire le parallèle avec la "prophétie sinistre" de Malthus, qui fut finalement contredite par le progrès technique.
Néanmoins :
1) La non-réalisation des prédictions malthusiennes suffit-elle pour affirmer qu'à l'avenir, le progrès technique permettra à l'homme de s'affranchir indéfiniment des contraintes naturelles ?
2) Malthus parlait d'un manque, prédisant que les hommes finiraient par mourir de faim parce que la croissance de la production matérielle ne pourrait pas suivre la croissance exponentielle de la population.
Je parle d'une limite, et cette limite c'est simplement le caractère fini de notre écosystème et de ses ressources.
Pour finir, je réponds à une partie du message de Cab : Comment "prouver" l'idée d'un épuisement des ressources planétaire, tant elle semble évidente ? La production matérielle nécessite des ressources. Celles-ci existent en quantité limitée, et leur quantité disponible diminue avec la perte engendrée par la partie de la production qui n'est pas recyclable, les déchets. L'élimination ou le stockage de ces déchets crée à son tour des déchets, etc. Si la production augmente sans-cesse, il arrivera bien un moment (lointain, évidemment) où l'on ne disposera plus de suffisamment de ressources pour produire. A moins d'imaginer créer toujours plus de matériaux synthétiques à partir de toujours moins de matières premières...
A propos de cet argument qui soutient que si "la fonction de production n'est qu'une recette, (...) on pourra, avec une moindre quantité de farine faire une pizza plus grande en la cuisant dans un four plus grand", voyez l'article suivant, qui sera certainement bien plus éclairant que mes modestes explications :
http://www.decroissance.org/textes/bonaiuti.htm
Quant à ce que tu dis sur les "productions immatérielles", Thieu, c'est précisément l'idée des "biens relationnels" dont parlent les penseurs de la décroissance (et notamment celui que je cite ci-dessus)
@ Xime : Quand j'ai dit que l'inévitabilité de l'épuisement des ressources restait à prouver, je n'entendais bien entendu pas contester le fait que les ressources planétaires sont finies. Je t'interrogeais sur ta certitude que le progrès humain ne pourra permettre de s'abstraire de la finitude de nos ressources. C'est en ce sens là que je ne crois pas que ce soit "inévitable"...
N'y a-t-il pas de plus en plus de matières synthétiques ? N'y a-t-il pas de plus en plus de recyclage ? Ne produit-on pas de plus en plus de matières recyclables ? N'y a-t-il pas de plus en plus, comme le souligne très justement Thieu, de production immatérielle qui permet la croissance ? ... (je pourrais multiplier les exemples)
Tous ces signes me font croire, peut-être naïvement, que la finitude des ressources planétaires n'est pas un problème, si on infléchit les comportements de consommation...
J'oubliais de répondre. Effectivement, c'est sur cette croyance en l'infinie ingéniosité de l'homme que nous différons. Non que je ne croie pas au progrès technologique. Mais je trouve que l'enjeu est trop important, le pari est trop risqué que pour s'en remettre exclusivement à cette foi dans le progrès pour nous sauver de la finitude de l'écosystème.
Je développerai ça dans mon article sur la décroissance (bientôt !).
Youpi ! Je suis arrivé à faire réapparaître ces commentaires qui avaient disparus :)
Je suis content, d'autant que dans ce cas la discussion en commentaires était bien plus intéressante que l'article lui-même :P
Ah et je confirme (mais un peu tard :P) ce que dit Pixeline, au niveau des programmes Ecolo est bien plus à gauche que le PS. Cependant au niveau du discours Ecolo n'a eu de cesse de jouer au "ni-ni", comme par exemple lors du débat Demotte-Javau où ce dernier s'est défendu d'être plus à gauche que son adversaire PS. Il y a également cette interview de Jacky Morael dan Pan, où celui-ci, après avoir reconnu hériter de valeurs plutôt ancrée à gauche, affirme "que ce n’est pas en organisant (comme le PS) une ligne Maginot contre le libéralisme qu’on va sauver ces valeurs".
Heureusement pour ceux qui (comme moi) plaident pour un ancrage à gauche d'Ecolo, le parti vert ne semble pas tenté par une participation à une future coalition de centre-droit...
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