Le VLD n'a pas dit son dernier mot...
Depuis longtemps, dans la course au 16 rue de la loi, on semblait avoir vendu la peau de l'ours. Il faut dire qu'avec ses 10 points d'avances dans les sondages, on pourrait difficilement renier sa place de favori au CD&V pour faire adouber son candidat Yves Leterme au poste de premier ministre. Mais c'était peut-être sans compter sur la pugnacité des libéraux flamands...
Le VLD avait connu une année 2006 assez noire : purge des sénateurs fascisants Coveliers et Dedecker, chute vertigineuse dans les sondages...
Alors forcément, pour inverser la tendance, le VLD est à la recherche d'une dynamique. Tout d'abord, un repositionnement : Depuis qu'il s'est débarrassé de son aile droitière, le VLD se présente désormais comme un parti du centre progressiste.
Ensuite, un visionnaire : Le premier ministre, que la presse écrite décrivait comme "gonflé à bloc", prend sa plus belle pose d'homme d'état pour lancer son nouveau Manifeste du Citoyen, plaidant pour une société ouverte ainsi que pour une "troisième voie" concernant la réforme de l'Etat.
Enfin, un nouveau nom : Comme certains l'avaient déjà deviné en remarquant l'insistance de Guy Verhofstadt sur la rhétorique de "l'ouverture", le VLD se présentera aux prochaines législatives sous le nom "Open VLD".
Quelques commentaires...
Tout d'abord, à propos de la "fusion" entre le VLD et son partenaire de cartel Vivant. Chez le petit parti de Roland Duchatelet, on dénie fermement s'être fait "gober" par le VLD. Cependant, avec une liste électorale commune et un programme commun, on voit mal où se situe encore la spécificité de Vivant au sein de la nouvelle entité. De plus, qu'en est-t-il du principal point du programme de Vivant, et qui constituait même une des raisons de la fondation de ce parti, à savoir l'instauration d'une allocation universelle ? Fait-elle partie du programme de l'Open VLD ? Les médias n'en ont pas pipé mot. Il faut aller lire la déclaration fondant le programme commun des deux formations pour trouver deux paragraphes plaidant pour une modèle "de revenus de base" ("basisinkomens") en lieu et place de celui des revenus de remplacement. Une formulation de compromis pour ne pas trop engager le grand frère VLD dans cette voie ?
- Concernant la repositionnement idéologique, on est soulagé de voir un revirement dans la tendance à la radicalisation du discours qui a prévalu ces dernières années chez les partis flamands, suivant les traces du Vlaams Belang. En plaidant pour une "société ouverte", le VLD plaide aussi pour une vision positive de l'immigration. Voilà pour le principe. Deux bémols cependant au niveau de son application : D'abord, comme le précise un libéral flamand dans La Libre, "cela n'empêchera pas le ministre Dewael de continuer à prôner une politique ferme d'une immigration contrôlée". Ensuite, cette vision positive de l'immigration prône en fait le modèle de "l'immigration choisie", qui vise à trier sur le volet les travailleurs qualifiés qui pourront immigrer en Belgique, une politique déjà appliquée au Canada et qui pourrait avoir des effets désastreux en matière de fuite des talents et des cerveaux dans les pays du Sud.
- Finalement, à propos des propositions de l'institutionnel : ce n'est pas la première fois que le bon Guy nous parle d'une troisième voie. Mais ici, il ne s'agit plus d'Etat social actif : on parle plutôt d'un juste milieu entre séparatisme et immobilisme. Qui sont les "séparatistes" et qui sont les "immobilistes" ? On n'en saura pas plus, l'auteur de la formule refusant de préciser qui il vise. Ainsi, chacun pourra l'interpréter comme il l'entend, et personne n'est vraiment vexé. Mais passons les contorsions langagières, et abordons le fond.
L'idée phare de cette troisième voie est qu'il faut non seulement donner plus d'autonomie aux régions, mais aussi renforcer l'état fédéral.
Importante concession de principe : oui, il est possible de refédéraliser une compétence auparavant confiée aux régions. Cependant, comme le note Pierre Bouillon dans le Soir du 10/02, la seule proposition concrète de matière à refédéraliser, ce sont les normes de bruit. Alors même que c'est grâce à la compétence de la région bruxelloise dans ce domaine que l'Etat fédéral a fini par être condamné au paiement d'astreintes en cas de non-respect de ces normes (astreintes qui vont finalement pouvoir être exigées grâce à un jugement récent).
Nombreux sont ceux qui voient dans ce programme une série d'appâts destinés à attirer les francophones à la table des négociations. Parmi ces appâts, outre l'idée de la refédéralisation, citons également l'octroi de nouveaux moyens pour la région bruxelloise, ainsi que le soutien à la proposition d'une circonscription électorale fédérale (dont nous reparlerons très bientôt). Mais ne faut-il pas saluer le changement de ton, après l'épisode de l'exigence par tous les partis flamands de la scission de BHV sans contrepartie ? De plus, le VLD ne propose pas seulement d'échanger des transferts de compétences contre des moyens financiers (ce qui a souvent été le cas dans le passé), mais également contre des réformes structurelles. Ne faut-il pas y voir une évolution positive du dialogue institutionnel ? Reste à voir, bien entendu, s'il s'agit d'apâts ou de réelles concessions; si la proposition de refédéralisation sera élargie à d'autres domaines où si, ne servant finalement que les intérêts flamands, elle restera vidée de sa substance.
Cette soudaine ouverture de la part des partis flamands au niveau de la réforme institutionnelle est accueillie avec beaucoup de prudence chez les francophones, à raison me semble-t-il. Tout comme le "refus du séparatisme" affirmé par le VLD doit être considéré comme positif mais insuffisant, d'autant qu'il risque d'être déforcé par une profession de foi similaire de la part du CD&V, le plus belgicide des partis flamands. On peut néanmoins rêver d'un débat institutionnel enfin constructif, qui aurait en vue l'intérêt de la "Fédération" toute entière plutôt que des différentes régions qui la compose.
Le VLD avait connu une année 2006 assez noire : purge des sénateurs fascisants Coveliers et Dedecker, chute vertigineuse dans les sondages...
Alors forcément, pour inverser la tendance, le VLD est à la recherche d'une dynamique. Tout d'abord, un repositionnement : Depuis qu'il s'est débarrassé de son aile droitière, le VLD se présente désormais comme un parti du centre progressiste.
Ensuite, un visionnaire : Le premier ministre, que la presse écrite décrivait comme "gonflé à bloc", prend sa plus belle pose d'homme d'état pour lancer son nouveau Manifeste du Citoyen, plaidant pour une société ouverte ainsi que pour une "troisième voie" concernant la réforme de l'Etat.
Enfin, un nouveau nom : Comme certains l'avaient déjà deviné en remarquant l'insistance de Guy Verhofstadt sur la rhétorique de "l'ouverture", le VLD se présentera aux prochaines législatives sous le nom "Open VLD".
Quelques commentaires...
Tout d'abord, à propos de la "fusion" entre le VLD et son partenaire de cartel Vivant. Chez le petit parti de Roland Duchatelet, on dénie fermement s'être fait "gober" par le VLD. Cependant, avec une liste électorale commune et un programme commun, on voit mal où se situe encore la spécificité de Vivant au sein de la nouvelle entité. De plus, qu'en est-t-il du principal point du programme de Vivant, et qui constituait même une des raisons de la fondation de ce parti, à savoir l'instauration d'une allocation universelle ? Fait-elle partie du programme de l'Open VLD ? Les médias n'en ont pas pipé mot. Il faut aller lire la déclaration fondant le programme commun des deux formations pour trouver deux paragraphes plaidant pour une modèle "de revenus de base" ("basisinkomens") en lieu et place de celui des revenus de remplacement. Une formulation de compromis pour ne pas trop engager le grand frère VLD dans cette voie ?
- Concernant la repositionnement idéologique, on est soulagé de voir un revirement dans la tendance à la radicalisation du discours qui a prévalu ces dernières années chez les partis flamands, suivant les traces du Vlaams Belang. En plaidant pour une "société ouverte", le VLD plaide aussi pour une vision positive de l'immigration. Voilà pour le principe. Deux bémols cependant au niveau de son application : D'abord, comme le précise un libéral flamand dans La Libre, "cela n'empêchera pas le ministre Dewael de continuer à prôner une politique ferme d'une immigration contrôlée". Ensuite, cette vision positive de l'immigration prône en fait le modèle de "l'immigration choisie", qui vise à trier sur le volet les travailleurs qualifiés qui pourront immigrer en Belgique, une politique déjà appliquée au Canada et qui pourrait avoir des effets désastreux en matière de fuite des talents et des cerveaux dans les pays du Sud.
- Finalement, à propos des propositions de l'institutionnel : ce n'est pas la première fois que le bon Guy nous parle d'une troisième voie. Mais ici, il ne s'agit plus d'Etat social actif : on parle plutôt d'un juste milieu entre séparatisme et immobilisme. Qui sont les "séparatistes" et qui sont les "immobilistes" ? On n'en saura pas plus, l'auteur de la formule refusant de préciser qui il vise. Ainsi, chacun pourra l'interpréter comme il l'entend, et personne n'est vraiment vexé. Mais passons les contorsions langagières, et abordons le fond.
L'idée phare de cette troisième voie est qu'il faut non seulement donner plus d'autonomie aux régions, mais aussi renforcer l'état fédéral.
Importante concession de principe : oui, il est possible de refédéraliser une compétence auparavant confiée aux régions. Cependant, comme le note Pierre Bouillon dans le Soir du 10/02, la seule proposition concrète de matière à refédéraliser, ce sont les normes de bruit. Alors même que c'est grâce à la compétence de la région bruxelloise dans ce domaine que l'Etat fédéral a fini par être condamné au paiement d'astreintes en cas de non-respect de ces normes (astreintes qui vont finalement pouvoir être exigées grâce à un jugement récent).
Nombreux sont ceux qui voient dans ce programme une série d'appâts destinés à attirer les francophones à la table des négociations. Parmi ces appâts, outre l'idée de la refédéralisation, citons également l'octroi de nouveaux moyens pour la région bruxelloise, ainsi que le soutien à la proposition d'une circonscription électorale fédérale (dont nous reparlerons très bientôt). Mais ne faut-il pas saluer le changement de ton, après l'épisode de l'exigence par tous les partis flamands de la scission de BHV sans contrepartie ? De plus, le VLD ne propose pas seulement d'échanger des transferts de compétences contre des moyens financiers (ce qui a souvent été le cas dans le passé), mais également contre des réformes structurelles. Ne faut-il pas y voir une évolution positive du dialogue institutionnel ? Reste à voir, bien entendu, s'il s'agit d'apâts ou de réelles concessions; si la proposition de refédéralisation sera élargie à d'autres domaines où si, ne servant finalement que les intérêts flamands, elle restera vidée de sa substance.
Cette soudaine ouverture de la part des partis flamands au niveau de la réforme institutionnelle est accueillie avec beaucoup de prudence chez les francophones, à raison me semble-t-il. Tout comme le "refus du séparatisme" affirmé par le VLD doit être considéré comme positif mais insuffisant, d'autant qu'il risque d'être déforcé par une profession de foi similaire de la part du CD&V, le plus belgicide des partis flamands. On peut néanmoins rêver d'un débat institutionnel enfin constructif, qui aurait en vue l'intérêt de la "Fédération" toute entière plutôt que des différentes régions qui la compose.
9 commentaires:
Dommage, le "Dedecker fascisant". Ca sent un peu le blabla répétant la presse francophone, sans avoir jamais rien lu du sénateur, non?
Quatre choses :
1) Excuse ma bétise mais je ne comprends pas pourquoi immigration choisie signifie fuite des cerveaux...
2) À ma connaissance, aucun parti démocratique flamand ne s'affirme "séparatiste" et ce pour deux raisons évidentes. D'une part, on sait que l'électeur flamand est ambivalent quand il s'agit de scission. Si on lui demande s'il veut plus d'autonomie flamande, il dira "oui", mais répondra par la négative si on lui propose de scinder la Belgique. Dès lors, j'imagine mal un parti démocratique oser afficher un séparatisme pur et dur : ce serait trop impopulaire. D'autre part, un parti séparatiste ne peut se montrer trop catégorique s'il veut vraiment arriver à ses fins puisqu'il devra obligatoirement négocier avec les francophones pour ce faire. Dès lors, je suis plutôt dubitatif quant à la pseudo-troisième-voie.
3) Je crois qu'il ne faut pas chercher très loin pour comprendre qui est visé par "l'immobilisme" et le "séparatisme". À la grosse louche, ça fait assez "Wallons" et "Flamands", non ?
4) Globalement, je suis assez content des deux gouvernements Verhofstadt. Je ne serais pas dérangé par une nouvelle législature sous sa houlette...
@ wali : non effectivement je n'ai jamais eu le plaisir de lire la prose de J-M Dedecker, mais ses liens ambigus avec le VB me suffisent pour le qualifier de "fascisant". Bien sûr si on me montrait qu'il est victime d'un acharnement médiatique injustifié, je serais toujours prêt à revoir ma position...
@ cab :
1) eh bien tout simplement on fait venir dans nos pays les travailleurs les plus qualifiés ou ceux qui ont la meilleure éducation, alors que les autres se voient fermer la porte au nez de "l'immigration choisie".
2) Bien d'accord avec toi
3) Ce que je voulais dire, c'est que chacun des deux "pôles" peut prêter une une interprétation plus ou moins extensive d'un côté et de l'autre de la frontière linguistique. Dans la presse francophone, Verhofstadt se défend bien entendu de ranger tous les partis francophones parmi les "immobilistes", mais en Flandre tout le monde le comprend comme ça.
4) Je suis plus mitigé que toi face au bilan des gouvernements Verhofstadt même s'il y a eu des accomplissements indéniables, mais de toute façon tout vaut mieux qu'un gouvernement Leterme.
Encore que... est-il bien sage d'encore laisser le CD&V avec le VB dans l'opposition ? ne serait-ce pas simplement repousser de 4 ans l'accomplissement du grand clash institutionnel qu'on nous promet au vu des positions flamingandes des sociaux-démocrates ?
1) ah oui, OK, c'était juste ta tournure de phrase qui m'a induit en erreur... Tu disais que l'immigration choisie "pourrait avoir des effets désastreux en matière de fuite des talents et des cerveaux dans les pays du Sud" et j'ai interprété le "dans" comme signifiant que l'immigration choisie ferait fuir des cerveaux de chez nous vers le Sud... :) Mais maintenant que j'ai compris ce que tu veux dire, je conteste : je ne crois pas que l'immigration choisie y changerait grand chose vu que les cerveaux émigrent déjà...
4) Je crois que Verhofstadt rêve en technicolor quand il pense à un troisième mandat, mais soit, enivsageons l'hypothèse. Quand bien même le CD&V et le VB pourraient être relégués dans l'opposition, j'imagine mal le conflit communautaire rester au frigo comme on l'a fait sous Verhosftadt II. La Flandre a accepté d'être patiente après BHV mais probablement que le clash sera inévitable quelque soit la composition du futur gouvernement : Nunc est federalisundum :)
1) Disons-le autrement : je pense en fait qu'à côté de la fuite des cerveaux provoquée par les permis de séjour pour étudiants etc., une politique d'immigration choisie provoquerait un autre phénomène, similaire : un genre de "fuite des travailleurs qualifiés".
2) Peut-être pourra-t-on encore maintenir le frigo fermé pour deux ans encore, mais sa réouverture en 2009 risque de nous geler sur place...
1. Vivant, et bien entendu Roland Duchatelet a comme premier but la supression des charges du travail excessives, autant au niveau du travailleur que de l'employeur. Le revenu garanti est une compensation nécessaire pour les gens piégés par la vie.
2. JM Dedecker n'est pas fasciste, mais un poujadiste ou populiste primaire avec un ego comme un building!
1. Hum... Je ne vois pas en quoi vous éclaircissez la question de savoir si, oui ou non, Vivant milite toujours pour l'instauration d'une allocation universelle. Le terme "revenu garanti" est quand même extrêmement passe-partout...
2. Je n'ai pas dit "fasciste", j'ai juste dit "fascisant" ^^
"@ wali : non effectivement je n'ai jamais eu le plaisir de lire la prose de J-M Dedecker, mais ses liens ambigus avec le VB me suffisent pour le qualifier de "fascisant". Bien sûr si on me montrait qu'il est victime d'un acharnement médiatique injustifié, je serais toujours prêt à revoir ma position..."
Quelques mois après, je peux enfin répondre à ce commentaire et à celui de J-M De Wulf qui ne brillait pas par son sens critique. J'ai en effet analysé le programme du parti créé par Dedecker, qui a toujours refusé de s'allier avec le VB.
Voir
Élections 2007: Lijst Dedecker, seul parti libéral (cliquer sur mon nom pour que le billet s'affiche directement).
http://porteentrouverte.canalblog.com/archives/2007/05/28/5098968.html
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