Un regroupement des échéances électorales pour une politique à long terme
Nos politiciens et politiciennes – tous partis confondus - semblent souffrir d’un même trouble étrange : ils sont incapables d’envisager l’avenir dans un laps de temps qui dépasse 4 ou 5 ans. Ce laps de temps correspondant bien sûr à la prochaine échéance électorale. Nos représentants semblent programmés pour agir en fonction de cette date fatidique qui les verras réélus ou non. Ne leur demandez pas de réfléchir au-delà, leur horizon semble bouché par un épais brouillard électoral.
Cette tendance lourde se traduit principalement dans deux mauvaises habitudes de nos gouvernants : Le manque de prévision d'une part, et le manque d'ambition d'autre part.
- Les projets, plans ou réformes lancés par nos politicien(ne)s sont trop rarement ambitieux ou inspirés d’une vision à long terme. Pourtant ces modes d’actions sont justement ceux qui concernent les politiques et les enjeux les plus importants. En matière de justice et d’intérieur il a fallu que l’affaire Dutroux secoue l’opinion publique pour qu’enfin on lance une réforme des polices et qu’on débatte de l’appareil judiciaire. Il a fallu attendre le drame d’Anvers et les scores du Vlaams belang pour qu’on se rende compte qu’une société qui se voudrait véritablement multiculturelle avait encore beaucoup de boulot à fournir en matière d’égalité des chances et de non-discrimination. Ces drames « nationaux » ont au moins eu le mérite de mettre le monde politique devant le fait accompli, ce qu’ils n’étaient apparemment pas capables de faire eux-mêmes. Un contre-exemple : le plan Marshall pour le redressement de la Wallonie. Ce plan ambitieux qui a le mérite de rassembler toutes les « forces vives » (politiques, patronat, syndicats, chercheurs, universitaires,…) a été salué quasi-unanimement justement parce qu’il dépasse les vieux clivages idéologiques et parce qu’il s’inspire d’une vison à long terme dont la Wallonie avait besoin et non d’une politique de l’autruche postindustrielle comme pendant les 50 dernières années.
- Il est tout aussi rare de voir nos hommes et femmes politiques avoir le courage de nager à contre-courant de l’opinion publique, par peur d’être sanctionné par l’électeur. Ils mènent alors des politiques populistes ou « gentilles » qui font l’objet d’un consensus mou, alors qu’ils savent pertinemment bien que d’autres politiques plus ambitieuses (donc plus risquées) seraient plus appropriées. Un exemple : tout le monde sait que l’écart salarial augmente, qu’il y a de plus en plus de pauvres et de très riches voir très très riches, et que l’urgence veut qu’on agisse immédiatement et efficacement. Que fait le gouvernement début septembre ? Saint-nico-verhofstad distribue des chèques cadeau de rentrée aux ménages belges pour financer l’achat des fournitures scolaire. Un deuxième exemple : à l’approche des élections fédérales du 10 juin prochain on assiste à des joutes politiques stériles visant à déterminer qui est le « meilleur francophone » et qui est le » meilleur flamand » en vue de protéger les intérêts de chacune des deux communautés du pays.
Ce constat d’un manque de vision à long terme est encore amplifié par un autre phénomène, à savoir la tenue d’élections très fréquentes dans notre pays en raison de ses particularités institutionnelles. Il y a en effet quatre niveaux de pouvoir qui appellent régulièrement le citoyen belge aux urnes (Européen, Fédéral, Fédéré, Local). Il y a eu et nous aurons, des élections en 2003, 2004, 2006, 2007, 2009, 2011, 2012,… Cette situation entraîne deux conséquences néfastes au jeu démocratique. D’une part, la cohabitation difficile entre niveaux de pouvoir composés de majorités différentes (en particulier entre fédéral et fédéré, comme nous l’a montré la dernière législature). D’autre part, la difficulté d’assurer la stabilité politique d’un pays secoué par des élections très fréquentes. Enfin, il faut signaler la valse des transferts ministériels d’un exécutif à l’autre (exemple : entre la déclaration gouvernementale fédérale de 2003 et aujourd’hui pas moins de 12 postes de ministres et de secrétaires d’état ont vu leur responsable muté un autre niveau de pouvoir ou à un autre poste).
Pour illustrer cet état de fait, une petite métaphore toute simple. L’activité politique est comme un train. Lorsqu’il rentre en gare (=les élections) il doit d’abord décélérer progressivement. Ensuite il décharge quelques passagers (=politiciens trop usés pour entamer un nouveau voyage. Par exemple et au hasard Francis Delperé ou Tony van Parijs) et en embarque d’autres tout frais. Les passagers ayant la manie de discutailler pour savoir qui aura la place à la fenêtre, qui sera en première en classe et qui en deuxième, et surtout qui s’assoira avec qui, l’arrêt en station prend souvent beaucoup de temps. Le train reprend alors son petit bonhomme de chemin, mais doit parcourir de nombreux kilomètres avant de retrouver la vitesse de croisière qui était la sienne avant son arrêt en gare. Pourtant, à peine est il reparti, que notre train doit déjà entamer une décélération car une autre gare se profile à l’horizon….A ce rythme là, force est de constater que le train n’avance pas très vite et qu’il ne parcoure pas des distances impressionnantes.
Loin de moi l’idée de contester la tenue d’élections régulières ou la nécessité de prendre le temps de former des majorités solides et des gouvernements compétents. Mon propos vise plutôt à proposer des améliorations qui pourraient être apportées au « train démocratique » afin qu’il roule un peu plus vite et un peu plus loin. Parmi celles-ci, la plus évidente est le regroupement des différentes échéances électorales en deux échéances (une nationale et une locale) voire en une échéance unique.
La seconde option ne me semble pas souhaitable. Comment l’électeur pourrait-il s’y retrouver entre quatre élections simultanées ? Comment le débat électoral relatif à chaque niveau de pouvoir pourrait-il être mené dans de bonnes conditions, sachant que trois autres débats électoraux ont lieux simultanément à l’approche d’une même et unique échéance électorale ?
Par contre, la première me paraît appropriée et souhaitable. Il s’agirait de distinguer deux pôles électoraux : un local (provinces et communes) et un national (fédéral, régions et communautés). Au sujet de ce second pôle plusieurs scénarios sont envisageables. Lequel choisir ? Soit on rabote le prochain mandat fédéral de deux ans (pour qu’il coïncide avec les prochaines élections fédérées de 2009), soit le contraire mais cela nous ramène en 2011, ou encore un regroupement en 2015 (les élections fédérales de 2015 suivant les fédérées de 2014). Le premier scenario est, à mon avis, le plus intéressant puisqu’il aurait l’avantage d’aligner ce pôle national sur les élections parlementaires européennes qui auront lieu en 2009.
Le débat à été lancé du coté francophone par Michel Junior (« porte-parole » du MR) dans le soir du premier février. C’est en 1993 qu’ont été scindées les élections fédérales et fédérées afin de donner plus de visibilité aux collectivités fédérées de notre pays. Mais force est de constater (cfr. supra) que cette scission apporte plus de mal que de bien. Du coté francophone, l’idée à gagné plusieurs personnalités des partis démocratiques. (Nollet, Cheron Wathelet, Antoine, Michel,…) En tout cas, personne ne semble s’y opposer, à part bien sûr (qui d’autre) le régionaliste de service, j’ai nommé José Happart ! Du coté flamand, on est soit pour (Dewael, De Croo), soit ouvert à la discussion (VLD), ou carrément opposé (De Crem). Cette plus grande frilosité s’expliquant peut être par les revendications que ces derniers souhaitent voir réaliser par le prochain gouvernement fédéral. Difficile, sachant que son mandat pourrait être limité à deux ans (cfr. le premier scénario).
Cette tendance lourde se traduit principalement dans deux mauvaises habitudes de nos gouvernants : Le manque de prévision d'une part, et le manque d'ambition d'autre part.
- Les projets, plans ou réformes lancés par nos politicien(ne)s sont trop rarement ambitieux ou inspirés d’une vision à long terme. Pourtant ces modes d’actions sont justement ceux qui concernent les politiques et les enjeux les plus importants. En matière de justice et d’intérieur il a fallu que l’affaire Dutroux secoue l’opinion publique pour qu’enfin on lance une réforme des polices et qu’on débatte de l’appareil judiciaire. Il a fallu attendre le drame d’Anvers et les scores du Vlaams belang pour qu’on se rende compte qu’une société qui se voudrait véritablement multiculturelle avait encore beaucoup de boulot à fournir en matière d’égalité des chances et de non-discrimination. Ces drames « nationaux » ont au moins eu le mérite de mettre le monde politique devant le fait accompli, ce qu’ils n’étaient apparemment pas capables de faire eux-mêmes. Un contre-exemple : le plan Marshall pour le redressement de la Wallonie. Ce plan ambitieux qui a le mérite de rassembler toutes les « forces vives » (politiques, patronat, syndicats, chercheurs, universitaires,…) a été salué quasi-unanimement justement parce qu’il dépasse les vieux clivages idéologiques et parce qu’il s’inspire d’une vison à long terme dont la Wallonie avait besoin et non d’une politique de l’autruche postindustrielle comme pendant les 50 dernières années.
- Il est tout aussi rare de voir nos hommes et femmes politiques avoir le courage de nager à contre-courant de l’opinion publique, par peur d’être sanctionné par l’électeur. Ils mènent alors des politiques populistes ou « gentilles » qui font l’objet d’un consensus mou, alors qu’ils savent pertinemment bien que d’autres politiques plus ambitieuses (donc plus risquées) seraient plus appropriées. Un exemple : tout le monde sait que l’écart salarial augmente, qu’il y a de plus en plus de pauvres et de très riches voir très très riches, et que l’urgence veut qu’on agisse immédiatement et efficacement. Que fait le gouvernement début septembre ? Saint-nico-verhofstad distribue des chèques cadeau de rentrée aux ménages belges pour financer l’achat des fournitures scolaire. Un deuxième exemple : à l’approche des élections fédérales du 10 juin prochain on assiste à des joutes politiques stériles visant à déterminer qui est le « meilleur francophone » et qui est le » meilleur flamand » en vue de protéger les intérêts de chacune des deux communautés du pays.
Ce constat d’un manque de vision à long terme est encore amplifié par un autre phénomène, à savoir la tenue d’élections très fréquentes dans notre pays en raison de ses particularités institutionnelles. Il y a en effet quatre niveaux de pouvoir qui appellent régulièrement le citoyen belge aux urnes (Européen, Fédéral, Fédéré, Local). Il y a eu et nous aurons, des élections en 2003, 2004, 2006, 2007, 2009, 2011, 2012,… Cette situation entraîne deux conséquences néfastes au jeu démocratique. D’une part, la cohabitation difficile entre niveaux de pouvoir composés de majorités différentes (en particulier entre fédéral et fédéré, comme nous l’a montré la dernière législature). D’autre part, la difficulté d’assurer la stabilité politique d’un pays secoué par des élections très fréquentes. Enfin, il faut signaler la valse des transferts ministériels d’un exécutif à l’autre (exemple : entre la déclaration gouvernementale fédérale de 2003 et aujourd’hui pas moins de 12 postes de ministres et de secrétaires d’état ont vu leur responsable muté un autre niveau de pouvoir ou à un autre poste).
Pour illustrer cet état de fait, une petite métaphore toute simple. L’activité politique est comme un train. Lorsqu’il rentre en gare (=les élections) il doit d’abord décélérer progressivement. Ensuite il décharge quelques passagers (=politiciens trop usés pour entamer un nouveau voyage. Par exemple et au hasard Francis Delperé ou Tony van Parijs) et en embarque d’autres tout frais. Les passagers ayant la manie de discutailler pour savoir qui aura la place à la fenêtre, qui sera en première en classe et qui en deuxième, et surtout qui s’assoira avec qui, l’arrêt en station prend souvent beaucoup de temps. Le train reprend alors son petit bonhomme de chemin, mais doit parcourir de nombreux kilomètres avant de retrouver la vitesse de croisière qui était la sienne avant son arrêt en gare. Pourtant, à peine est il reparti, que notre train doit déjà entamer une décélération car une autre gare se profile à l’horizon….A ce rythme là, force est de constater que le train n’avance pas très vite et qu’il ne parcoure pas des distances impressionnantes.
Loin de moi l’idée de contester la tenue d’élections régulières ou la nécessité de prendre le temps de former des majorités solides et des gouvernements compétents. Mon propos vise plutôt à proposer des améliorations qui pourraient être apportées au « train démocratique » afin qu’il roule un peu plus vite et un peu plus loin. Parmi celles-ci, la plus évidente est le regroupement des différentes échéances électorales en deux échéances (une nationale et une locale) voire en une échéance unique.
La seconde option ne me semble pas souhaitable. Comment l’électeur pourrait-il s’y retrouver entre quatre élections simultanées ? Comment le débat électoral relatif à chaque niveau de pouvoir pourrait-il être mené dans de bonnes conditions, sachant que trois autres débats électoraux ont lieux simultanément à l’approche d’une même et unique échéance électorale ?
Par contre, la première me paraît appropriée et souhaitable. Il s’agirait de distinguer deux pôles électoraux : un local (provinces et communes) et un national (fédéral, régions et communautés). Au sujet de ce second pôle plusieurs scénarios sont envisageables. Lequel choisir ? Soit on rabote le prochain mandat fédéral de deux ans (pour qu’il coïncide avec les prochaines élections fédérées de 2009), soit le contraire mais cela nous ramène en 2011, ou encore un regroupement en 2015 (les élections fédérales de 2015 suivant les fédérées de 2014). Le premier scenario est, à mon avis, le plus intéressant puisqu’il aurait l’avantage d’aligner ce pôle national sur les élections parlementaires européennes qui auront lieu en 2009.
Le débat à été lancé du coté francophone par Michel Junior (« porte-parole » du MR) dans le soir du premier février. C’est en 1993 qu’ont été scindées les élections fédérales et fédérées afin de donner plus de visibilité aux collectivités fédérées de notre pays. Mais force est de constater (cfr. supra) que cette scission apporte plus de mal que de bien. Du coté francophone, l’idée à gagné plusieurs personnalités des partis démocratiques. (Nollet, Cheron Wathelet, Antoine, Michel,…) En tout cas, personne ne semble s’y opposer, à part bien sûr (qui d’autre) le régionaliste de service, j’ai nommé José Happart ! Du coté flamand, on est soit pour (Dewael, De Croo), soit ouvert à la discussion (VLD), ou carrément opposé (De Crem). Cette plus grande frilosité s’expliquant peut être par les revendications que ces derniers souhaitent voir réaliser par le prochain gouvernement fédéral. Difficile, sachant que son mandat pourrait être limité à deux ans (cfr. le premier scénario).
par Florent Verstraeten
9 commentaires:
Je suis globalement d'accord avec toi, mais ne verse-tu pas un peu dans le populisme en étant à ce point critique vis-à-vis des hommes politiques ? Après tout, c'est aussi le peuple qui devrait proposer de nouvelles idées et avoir des visions à long terme, plutôt que rester les bras croisés en attendant que le politique résolve tous les problèmes. Les partis politiques ne font que se calquer sur la population. Ils relayent en principe les idées du peuple. Si les hommes politiques sont si frileux, n'est-ce pas aussi (et surtout ?) à cause de la molesse de la société civile belge ? Sans compter qu'en politique, "long terme" ça signifie nettement plus qu'un mandant de 4 ou 5 ans. Il faut au moins 10-15 ans pour pouvoir valablement évaluer une politique, alors même si à mon sens, tu as raison de vouloir regrouper les échéances électorales, je ne pense pas que cela aura l'effet que tu escomptes.
P.S.: T'as pris des cours chez Grand Corps Malade pour ta métaphore sur les trains ? :D
Ce n'est pas du populisme, c'est juste que je suis de nature assez "critique" et que j'aime bien pousser un "petit coup de gueulle" pour provoquer le débat.
Pour la société civile je suis tout à fait d'accord avec toi mais je pense que ce genre de blog et ce genre d'article visent modestement à la réveiller. Et cet article, s'il est critique est aussi constructif puiqu'il contient des propositions.
Je ne pense pas que ce que je propose va changer complètement la donne en politique belge mais c'est déjà un bon pas dans la bonne direction.
J'apprécie beaucoup GCM mais c'est à l'insu de mon plein gré que je m'en suis inspiré.
La prochaine fois tu prendras l' bus..
La prochaine fois, je mettrai ma cagoule :)
Cool l'article !
Tu imagines la popularité ! Tu parais dans eigenblog ! Pas mal, la promotion !
N'est-ce pas ? Effroyable ascension dans l'échelle du prestige.
Cela dit, j'oubliais de dire ce que je pensais de ce post :
Je trouve, comme cab, que si Florent a bien sûr raison de plaider pour un regroupement partiel des échéances électoral, cette mesure est loin d'être suffisante pour atteindre l'objectif de politiques réellement à long terme. Au mieux, elle permettrait de mettre fin à cette situation particulière qui, à force d'incessants scrutins, fait règner une ambiance de campagne électorale perpétuelle sur le paysage politique belge (en plus de provoquer une certaine lassitude chez le citoyen).
Pour des politiques à vraiment long terme... à part un dictateur éclairé, je vois pas :p
Un président élu pour 10 ans ? Le contrôle démocratique s'en trouverait fort réduit.
Mais il faut forcément s'attendre de représentants élus pour une période relativement courte cherchent à mener des politiques qui produisent des résultat à court ou moyen terme, afin de satisfaire l'électeur pour assurer leur maintien au pouvoir...
Je ne vois pas comment tu peux changer cet état de fait, autrement qu'en changeant de système politique.
Oui, mais quel système politique... On pourrait imaginer un gouvernement et un parlement qui seraient renouvelés comme le Sénat français : 1/3 tous les 3 ans... Le risque dans ce cas d'inamovibilité est certain. Il faudrait alors renforcer les pouvoirs de l'opposition au Parlement afin d'accroître la responsabilité politique du gouvernement. Ou alors prévoir un gouvernement bicéphale : un qui change tous les 4 ans et un qui est renouvelé plus rarement; l'un étant l'émanation de la Chambre et l'autre du Sénat. Qu'en pensez-vous ?
http://www.lalibre.be/article.phtml?id=10&subid=90&art_id=341503
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